C’est donc en maintenant le refrain sur « tenez-vous prêts, nul ne sait le jour ni l’heure » que l’on saute de Luc à Matthieu. Et nous entrons vers la fin de son évangile, dans ce qu’on appelle le discours eschatologique, celui qui nous parle de la fin du monde.
On ne sait pas vraiment qui est le rédacteur de l’évangile de Matthieu, probablement pas l’apôtre Matthieu (l’ancien collecteur d’impôts Lévi) même si c’est ce qu’il cherche à nous montrer. En effet, l’évangile de Matthieu a été écrit en 80, au même moment que celui de Luc. Ecrit probablement depuis Antioche en Syrie, alors que Luc, qui est lui Syrien d’origine, écrira son ouvrage depuis la Grèce. Ces deux-là avaient accès aux mêmes matériaux littéraires, qu’étaient l’évangile de Marc et la source Q ; ils avaient accès en revanche à des traditions orales assez différentes, et ils ne se téléphonaient que rarement : sans WhatsApp ni courriels, on peut penser qu’ils ont fait leur rédaction indépendamment l’un de l’autre, ce qui rend la comparaison des deux ouvrages assez intéressante. Matthieu utilise beaucoup l’évangile de Marc, plus que ne le fait Luc, mais Luc se montre plus fidèle à l’ordre chronologique de Marc, alors que Matthieu regroupe sa narration par grands thèmes, ce que l’on appelle les 5 discours : le discours sur la montagne (enseignement de Jésus), le discours apostolique pour la formation des disciples, le discours parabolique dans lequel sont rassemblées la plupart des paraboles contées par Jésus, le discours ecclésiastique sur la vie de la communauté et finalement, le discours eschatologique sur la fin des temps.
Matthieu l’évangéliste est un juif converti qui va s’adresser principalement à la partie judéo-chrétienne de sa communauté. Cela donnera bien entendu un texte assez différent que celui de Luc, un païen grec cultivé. Avec Matthieu, nous allons avoir un texte qui fait tout pour convaincre qu’il n’y aucune différence de religion entre les juifs et les chrétiens, que la seule différence est la reconnaissance de Jésus comme Fils de Dieu (et non comme un prophète de plus) ; sa communauté a été très perturbée par la destruction du temple de Jérusalem et par le fait que la communauté juive, passée aux mains des pharisiens, ait décidé d’expulser les chrétiens de leurs synagogue.
On retrouve dans ce passage donc une référence au livre de la Genèse comme point d’accroche avec l’ancien testament. On retrouve aussi la vision du jugement dernier comme d’une catastrophe globale et universelle, instantanée, un jugement radical synchronisé. Ce n’est pas l’Eternel juif qui va revenir juger, mais Jésus-Christ.
Et voilà, c’est parti pour la lecture de l’évangile de Matthieu, mais pas que…