Le jeûne fait partie de la tradition juive. De fait Moïse (Exode 34,28) n’a rien mangé ni bu au mont Sinaï, le temps qu’il écrivit les tables de la Loi que Dieu lui dictait. Les juifs pieux considéraient le jeûne comme une manière de se tourner vers Dieu en toute humilité, de demander pardon en se privant des choses qui aurait pu dévier l’homme de son amour de Dieu. A partir de là, les juifs ont commencé à jeûner non seulement au jour du grand pardon Yom Kippour, mais aussi pour un deuil, une pénitence, une purification, une préparation, et de plus en plus pour demander une faveur à Dieu plus que pour lui demander pardon.
Les textes bibliques montrent que les prophètes s’insurgent contre ce dévoiement du jeûne et sa perte de sens. Esaïe 58, dans lequel Dieu explique « le jeûne que je préfère », qui s’avère être bien différent de la pratique courante puisqu’il parle de libérer les gens de leur joug, de partager son repas avec ceux qui ont faim, de couvrir ceux qui sont sans vêtements, de recueillir chez soi ceux qui sont sans abri…Mais aussi Joël, Daniel ou Zacharie (quand vous avez jeûné, l’avez-vous fait pour moi ?)
Ce sont des disciples de Jean-Baptiste (et non des pharisiens) qui posent la question. Ils sont d’origine juive, et pour eux, maintenir le jeûne est une manière de rester (un peu) fidèle à leur ancienne foi, et d’éviter les conflits en famille. Et Jésus, qui a jeûné lui aussi en résistant aux tentations du diable dans le désert et ensuite avant de partir pour Jérusalem, ne semble pas attacher au jeûne une importance fondamentale.
Mais surtout, en se donnant le titre d’époux habituellement réservé à Dieu dans la tradition juive, Israël étant une épouse plus ou moins fidèle, confesse sa propre divinité. S’il est Dieu et que Dieu est là au milieu de ses disciples, alors ceux-ci n’ont aucun besoin de jeûner pour s’adresser à lui. Mais annonçant sa passion, il parle de sa séparation d’avec les disciples qui devront alors revenir au jeûne pour s’adresser à lui, à cause de son éloignement.
Donc en fait, le message de ce passage n’a que peu à voir avec la pratique du jeûne dans la communauté chrétienne ; son objectif est bien plutôt de positionner Jésus comme le fils de Dieu.