Jésus vient de guérir un homme paralysé de la main dans une synagogue, un jour de sabbat. Ce sur quoi insiste le texte proposé aujourd’hui est l’interdiction assez autoritaire de Jésus de ne pas faire de pub sur ce qu’il fait. Matthieu cherche à montrer aux pharisiens l’opposition qui existe entre leur idée d’un messie triomphant et la réalité du Christ Jésus. Pour ce faire, il va choisir un passage fameux du livre d’Esaïe pour montrer aux juifs qu’on peut tout-à-fait trouver dans l’Ancien Testament une base scripturaire pour comprendre un Jésus humble et tranquille, en tout cas tout sauf flamboyant.
Esaïe 42.1 « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu que j'ai moi-même en faveur, j'ai mis mon Esprit sur lui. Pour les nations il fera paraître le jugement, il ne criera pas, il n'élèvera pas le ton, il ne fera pas entendre dans la rue sa clameur ; il ne brisera pas le roseau ployé, il n'éteindra pas la mèche qui s'étiole ; à coup sûr, il fera paraître le jugement. Lui ne s'étiolera pas, lui ne ploiera pas, jusqu'à ce qu'il ait imposé sur la terre le jugement, et les îles seront dans l'attente de ses lois. » 42.6 « C'est moi le SEIGNEUR, je t'ai appelé selon la justice, je t'ai tenu par la main, je t'ai mis en réserve et je t'ai destiné à être l'alliance du peuple, à être la lumière des nations, à ouvrir les yeux aveuglés, à tirer du cachot le prisonnier, de la maison d'arrêt, les habitants des ténèbres. »
Nous sommes dans le 2ème livre d’Esaïe (chapitre 40/55), probablement écrit entre -550 et -539, à un moment de l’histoire où le monde Perse et son roi Cyrus va combattre Babylone et son roi Nabuchodonosor. On peut comprendre que la situation a évolué depuis le chapitre 10 que nous avons lu il y a peu de temps, alors qu’Israël craignait l’invasion de l’Assyrie en -722. Ce livre parle (attention, ce ne peut être le même auteur que l’Esaïe du 1er livre) à un peuple sous le joug des Babyloniens, une bonne partie étant en exil ; un peuple parfois découragé, parfois effronté et qui reproche à Dieu son abandon, parfois scandalisé de voir qu’on attend un Cyrus païen comme le Messie, sachant que certains restent séduits par les idoles de Babylone.
Dieu promet d’apporter son jugement (sa justice, sa revanche) par l’entremise d’un serviteur sur qui il aura déposé son esprit. Cette figure littéraire du serviteur va se retrouver aux chapitres aussi 49 et 50, il aura souvent divers attributs. On a pour habitude de parler du « serviteur souffrant », mais ce n’est pas toujours le cas. Qui sera ce serviteur ? un prophète ? un chef de guerre ? un roi ? un descendant de David ? Cyrus lui-même ? On n’en sait rien.
Il s’agit d’un homme qui ne fera pas de bruit, qui fera preuve de mansuétude envers le faible (le roseau), mais qui sera ferme dans son action d’imposer la justice de Dieu. Un peu de douceur certes, mais aussi une grande fermeté ; une poigne de fer dans un gant de velours.
Et c’est exactement l’image que Matthieu cherche à donner du Christ. Douceur et fermeté, je n’ose pas dire « en même temps ».