Le succès populaire de Jésus ne fait pas que des heureux : les scribes, venus exprès de Jérusalem, tout comme les proches de Jésus lui en veulent et surtout, veulent l’empêcher de nuire. Il s’agit d’une composition littéraire classique en sandwich : la famille/les scribes/ la famille. La famille porte en accusation la folie, les scribes une accusation la sorcellerie qui est clairement condamnable de peine de mort (Ex22, Lv 20, Dt 18)
Les scribes suggèrent que si Jésus est si brillant quant il s’agit d’exorciser les gens, c’est parce qu’il est habité par Satan et que cela lui permet d’être facilement entendu et compris par les démons qui habitent les possédés. Jésus répond par un argument indiscutable à l’époque, qui était déjà utilisé par Sophocle pour dénoncer les dangers de l’anarchie dans la société.
Mais les scribes suggèrent qu’en plus d’être habité par Satan, Jésus utilise des méthodes démoniaques, on touche vraiment l’accusation en sorcellerie. Jésus répond en faisant remarquer que si les démons ne sont pas vaincus par la division au sein de leur hiérarchie, c’est qu’ils le sont par la force incroyable de Dieu. Dans la parabole de l’homme fort, celui-ci est Satan, la maison est le corps de l’homme possédé et le voleur est Jésus lui-même : il y a donc une vraie stratégie de lutte du bien contre le mal. Jésus va lier le démon et délier le possédé, Dieu vient sauver le monde qui est l’emprise totale de Satan.
On attend des prêtres qu’ils sachent identifier tout type de disfonctionnement chez l’homme (on se souvient de leur expertise en dermatologie pour identifier la lèpre), ils doivent donc être capables de faire la différence entre maladie (la folie) et la possession par un esprit satanique. Dans ce cas, Jésus constate qu’ils ne sont pas capables d’identifier correctement le type de possession, et qu’ils accusent à tort l’esprit de Satan qui perd et celui de Dieu qui vainc. C’est cela que Marc identifie comme un blasphème contre l’esprit qu’il juge absolument impardonnable. On se souvient que dans l’évangile de Jean, le péché est de ne pas reconnaître la révélation du Père dans Jésus. C’est pareil.
Et Marc de faire un amalgame pour montrer que les accusations de sa famille ne valent pas mieux : ce qui devient pour lui un critère de lien familial est l’observation des commandements de Dieu. La famille religieuse vient substituer la famille naturelle.
Il y a deux choses à savoir concernant la famille de Jésus. Tout semble montrer que Jésus avait des frères ; certes les exégètes ont tout fait pour noyer le poisson (on comprend mal le mot frères, ce sont les cousins ou les demi-frères nés d’un premier mariage de Joseph), mais l’analyse critique du texte araméen trouvé à Qumran suggère qu’on parle bien des frères de sang de Jésus. Donc ce verset met à mal le dogme de la virginité perpétuelle de Marie, les protestants applaudissent. On remarquera que Marc ne dit pas Marie, et que le père Joseph a disparu…
Il faut savoir aussi que Jacques le Juste, qui est supposé être le frère de Jésus, a pris en main la communauté chrétienne de Jérusalem après la mort de Pierre et qu’il s’est montré un ardent défenseur de la cause des judéo-chrétiens, c’est lui qui s’est violemment opposé à Paul au sujet de l’acceptation de pagano-chrétiens qui ne seraient pas passés par la circoncision. Marc était lui aussi du côté de Paul, notoirement opposé à cette vue trop judéo-orientée et cela explique pourquoi il insiste sur le fait que les frères de Jésus n’étaient pas appréciés par ce dernier.
Il ’y a aucune raison qu’un évangile soit objectif ou pondéré.