Il s’agit du premier récit de la transfiguration qui sera repris par Matthieu et par Luc dans son intégralité en rajoutant la transformation du visage que l’on trouve chez Moïse en Exode 34.29. Car si le texte nous rappelle le baptême de Jésus avec la voix venue du ciel en Mc 1.11 (tu es mon fils bien-aimé), il devrait aussi nous rappeler le passage des tables de la Loi, Moïse au Sinaï en Exode 24.12. On retrouve en effet de nombreux points communs, comme la haute montagne, la référence aux 6 jours, les 3 témoins, la nuée. Mais avec quelques différences aussi : la gloire était à la vue de tout le peuple, il y avait 70 anciens derrière les 3 témoins, et les 6 jours étaient le temps pendant laquelle la nuée est restée sur la montagne.
Quelques précisions pour mieux comprendre le texte :
la blancheur est dans la Bible le signe de la divinité, le foulon est l’artisan qui traite la couleur des peaux ou des tissus en les foulant aux pieds avec des ingrédients blanchissants.
Élie a été enlevé au ciel en 2Rois 2.11, ce qui laisse supposer un retour possible. Moïse est déclaré mort au pays de Moab en Deutéronome 34.5, mais personne n’a jamais vu sa tombe (au verset suivant), ce qui laisse l’hypothèse ouverte pour un éventuel enlèvement céleste qui sera relaté d’ailleurs par l’historien Flavius Joseph.
Pierre est en état de choc et d’incompréhension bien compréhensible : il ne voit que l’opportunité de monter des tentes pour prolonger l’instant. Certains exégètes ont pensé au lien avec la fête des tentes, mais cela n’apporte rien au texte.
Si les pharisiens étaient habitués à l’idée de la résurrection des morts, ils voyaient cela dans un mouvement global pour tous les hommes au jugement dernier, les fameux tableaux représentant les tombeaux qui s’ouvrent et es squelettes qui sortent. L’idée de la résurrection du Fils de l’Homme, bien que déjà annoncée par Jésus en Marc 8.31 (il faut que le Fils de l’Homme souffre…qu’il soit mis à mort et que trois jours après il ressuscite) est incompréhensible pour les disciples qui du coup se posent la question de savoir si cela va se passer avant le retour programmé d’Élie, ce qui donnera lieu au développement des versets suivants.
Alors comme toujours quand on rencontre un texte absolument « merveilleux » au milieu de l’évangile, on doit se poser la question de ce que l’évangéliste veut nous dire et pourquoi.
Tout d’abord, il faut bien comprendre que cette apparition divine tombe à pic pour les disciples : on sort d’un discours de Jésus assez déroutant en 8.34 « que celui qui veut me suivre prenne sa croix…qui veut sauver sa vie la perdra », et on peut comprendre que l’enthousiasme des disciples soit quelque peu refroidi. Montrer Jésus dans son origine divine est donc bien venu pour la dynamique littéraire du texte, il faut que le lecteur puisse comprendre que c’est Dieu qui a en fait ordonné aux disciples de suivre son fils.
C’est ce que fait Marc en affichant Jésus en pleine conversation avec les deux grands prophètes du monde juif : on ne peut rêver de meilleurs témoins comme le dit Camille Focant. Mais en plus, on construisant cette scène, Marc peut tordre le cou à l’idée qui traînait dans certains milieux juifs que Jésus ne serait qu’une réapparition d’Élie ou qu’il serait un nouveau Moïse. C’est plutôt bien vu.
C’est la seconde fois que Marc nous raconte une théophanie, avec la voix de Dieu indiquant à tous que Jésus est son fils. Il est important de souligner que pour certains, c’est au moment de la Transfiguration que Jésus est devenu Christ, c’est une des options de la christologie. Certains spécialistes n’hésitent pas à voir dans ce passage une vision apocalyptique pour mettre en avant une parousie (retour) du Christ anticipée, car on se souvient que dans l’évangile de Marc, il n’y a pas de description qui nous montre le Christ ressuscité. En installant le lecteur dans l’idée que Jésus appartient au monde divin, alors on peut mieux comprendre que son évangile se termine sur la vision du tombeau vide, la conclusion de la résurrection devient plus fluide : lui aussi a été enlevé au ciel.
Marc choisit de nous présenter Pierre, Jacques et Jean, comme les 3 piliers de la communauté de Jésus, une idée que reprendra Jean l’évangéliste en choisissant ces trois là pour assister à la résurrection de Lazare.
On en oublierait presque le message principal de ce passage : « Ecoutez-le ». Un rappel du Deutéronome 18.15 « c'est un prophète comme moi que le SEIGNEUR ton Dieu te suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères ; c'est lui que vous écouterez. » Ecouter à l’époque de Jésus veut surtout dire « obéir ». Le message devient clair pour les disciples comme pour les lecteurs de Marc.
Même si nous donnons aux mots des valeurs un peu différentes aujourd’hui, le message n’en demeure pas moins valable pour nous aussi.