Suite du passage d’hier, encore une suite de phrases tirées de la source des logia et mise en perspective par Luc.
La 1ère partie est directement inspirée du Deutéronome 30, 15-20 : « Vois : je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes. Alors tu vivras, tu deviendras nombreux, et le SEIGNEUR ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession. Mais si ton cœur se détourne, si tu n'écoutes pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d'autres dieux et à les servir, je vous le déclare aujourd'hui : vous disparaîtrez totalement, vous ne prolongerez pas vos jours sur la terre où tu vas entrer pour en prendre possession en passant le Jourdain. » Dans cette logique de l’engagement, il n’y a pas de place pour la neutralité, car il n’y en a pas non plus dans le jugement dernier.
La 2ème partie sur le blasphème qui ne sera pas pardonné est probablement liée au Deutéronome 18, 18 : « C'est un prophète comme toi que je leur susciterai du milieu de leurs frères ; je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. Et si quelqu'un n'écoute pas mes paroles, celles que le prophète aura dites en mon nom, alors moi-même je lui en demanderai compte. Mais si le prophète, lui, a la présomption de dire en mon nom une parole que je ne lui aurai pas ordonné de dire, ou s'il parle au nom d'autres dieux, alors c'est le prophète qui mourra. » L’idée est que les juifs comme les autres ont le droit de se tromper : ne pas reconnaître le Fils de l’Homme dans la personne de Jésus peut éventuellement se comprendre, et qui demandera pardon à Dieu pour cette erreur sera pardonné. Mais attention, on peut dire du mal de Jésus mais on ne peut dire du mal de son enseignement, on ne peut mettre en cause ses paroles quand elles sont inspirées par l’Esprit. On trouve dans l’évangile de Jean l’idée que Jésus serait inspiré par l’Esprit Saint au cours de sa vie, et qu’il enverra aux hommes un autre Esprit, le Paraclet, pour les aider à vivre en son absence. Mettre en cause la personne de Jésus sera pardonné à qui reconnaît son erreur, mettre en cause le dessein de Dieu ne sera pas pardonnable. Il convient de remettre ces notions de blasphème dans le cadre des tortures programmées par la persécution des chrétiens de Luc qui seront appelés à renier, Jésus et son enseignement.
La 3ème partie qui s’adapte bien au temps de Luc, est un message d’espoir et de résistance : l’Esprit sera auprès de ceux des chrétiens qui seront appelés à renier et les aidera à savoir ce qu’ils peuvent renier, ce qu’ils ne doivent pas faire.
On comprend bien l’exercice littéraire auquel se livre Luc : il doit absolument conforter son assemblée qui a peur de la persécution entretenue par les juifs, et qui ont peur de devoir renier leur foi pour garder la vie sauve. Luc va donc aller piocher certaines phrases de Jésus et les sortir un peu de leur contexte pour les replacer dans l’argumentaire de la résistance. Avouer que l’on s’est trompé en prenant Jésus pour le Fils de Dieu est éventuellement admissible, mettre en cause son enseignement ne l’est pas. Mais qu’ils mettent leur confiance en Dieu, celui-ci saura les aider à trouver les paroles justes.