Nous retournons donc au début de l’évangile de Luc qui sera placé aux couleurs de Jean Le Baptiste. On se souvient que l’ange Gabriel a annoncé à Zacharie, un des prêtres du Temple de Jérusalem, que sa femme Elizabeth (déjà âgée comme l’étaient Sarah et Abraham en Genèse 18) allait être enceinte, que Zacharie n’y croit pas et qu’il va se retrouver muet et sourd. Au 8ème jour de la vie de Jean, date de la circoncision selon la Genèse et le Lévitique, on décide du nom de l’enfant (en fait dans les temps plus anciens, on donnait le nom à la naissance, mais il se peut qu’en l’an 70, on le donnât plus tard), et là, scandale ! Elizabeth a choisi le nom de Jean (ce qu’avait dit l’ange à Zacharie qui n’a de fait pas pu le transmettre à Elizabeth par manque de son), qui n’est absolument pas le nom du grand-père (mais Zacharie étant âgé, il n’y avait plus de grand-père et la famille voulait l’appeler Zacharie), ni un nom d’ancêtre dans leur famille.
Commence donc ce jeu de miroir entre les deux cousins que tout opposera : Zacharie ne croit pas alors que Marie accepte, Jean va naître entouré des siens à Jérusalem quand Jésus va naître dans une mangeoire loin de chez lui, Jean baptisera dans l’eau quand Jésus baptisera dans l’esprit, l’un est né au solstice d’été et l’autre au solstice d’hiver…comme le dira Jean l’évangéliste « Il faut que lui grandisse et que moi je diminue ». Jean sera le plus grand des hommes, et Jésus le plus petit d’en haut.
Ce que veut nous dire Luc est que Dieu est à la manœuvre. Qu’Elizabeth accouche aussi tard est incroyable, qu’elle donne un nom inconnu dans la famille est incroyable, qu’elle donne le nom que Gabriel a indiqué à Zacharie est incroyable, et que Zacharie se remette d’un coup à entendre et à parler est aussi incroyable que la visite de l’ange Gabriel…C’est Dieu qui joue la partition, ça ne fait aucun doute. Le nom de Jean veut dire « Dieu a fait grâce ». Et comme à chaque fois que Dieu agit sur terre, la foule est prise de crainte…car le Psaume 80 dit « pose ta main sur l’homme qui est à ta droite ».
N'oublions pas que cette histoire est remarquablement inventée par Luc, mais il fait du beau boulot. En nous parlant du désert, il nous oriente vers ce que fera Jean au bord du Jourdain. Il faut dire que ce gamin n’a pas fini de surprendre : alors qu’il devait être prêtre comme son père, il sera ascète et prêcheur de foule, et les juifs le prendront pour Élie revenu en messie. On connaît la fin tragique qui lui sera réservée, sa tête sur un plateau d’argent. N’empêche que Jean aura été témoin de la destinée extraordinaire de Jésus depuis le début…et qu’ils partageront un sort commun.
Très belle histoire donc.