Luc nous raconte la naissance de Jésus, comme s’il avait été sur place. Le récit est complètement imaginaire, il ne sert à rien de chercher des détails intéressants, il vaut mieux essayer de comprendre pourquoi il les aurait choisis.
Le premier point est le choix de Bethléem. Certes Matthieu dira la même chose, mais sans donner de détail ; or Luc au contraire, va chercher à nous expliquer le pourquoi de ce voyage assez peu croyable.
On nous dit qu’ils vivent à Nazareth. Or Nazareth n’est absolument pas connu, puisque Jean fait dire à Nathanael que rien ne peut venir de cet endroit. Même Luc, qui aime pourtant les choses simples, a du mal à faire naître Jésus dans un bled paumé.
Bethléem en revanche est un lieu fameux dans la bible :
Genèse 35.19 « Rachel mourut et fut enterrée sur la route d'Ephrata, c'est-à-dire Bethléem ».
Ruth 1.1 « Du coup un homme de Bethléem de Juda émigra dans la campagne de Moab, lui, sa femme et ses deux fils ». Il s’agit de la ville de Booz.
1 Samuel 16.1 « Le SEIGNEUR dit à Samuel : « Vas-tu longtemps pleurer Saül, alors que je l'ai moi-même rejeté, et qu'il n'est plus roi d'Israël ? Emplis ta corne d'huile et pars. Je t'envoie chez Jessé le Bethléémite, car j'ai vu parmi ses fils le roi qu'il me faut. » C’est du futur roi David que l’on parle.
Michée 5, 1 « Et toi, Bethléem Ephrata, trop petite pour compter parmi les clans de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent à l'antiquité, aux jours d'autrefois ».
Il fallait donc que Jésus naisse à Bethléem. Il fallait que Luc trouve une astuce pour faire bouger la famille, et cette astuce fut le recensement. Plusieurs problèmes :
- Quirinus est arrivé en l’an 6
- Il n’y a jamais eu de recensement global de l’empire, seulement quelques recensements partiels
- Le recensement se fait dans la ville de résidence, jamais dans la ville d’origine
- Comment Joseph savait-il que sa femme était enceinte ? Chez Matthieu, l’ange lui parle, mais pas chez Luc.
- 150km pour un recensement que tout le peuple rejette ? (il y eut en effet plusieurs recensements partiels en Palestine aussi, mais les gens n’apprécient pas car ils vont devoir ensuite payer des impôts)
Bref, la crèche et le bébé emmailloté dans la mangeoire, l’image reste sympathique, même si on ne prend pas beaucoup de risques à affirmer que ce n’est qu’une image. Nous sommes certains que Jésus est né ce jour, mais où et de quelle manière, personne ne le sait. Luc connait ses classiques :
Ezéchiel 34.11 « Car ainsi parle le Seigneur DIEU : Je viens chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin ». Il y a une longue tradition de proximité entre Dieu qui vient et les bergers…
Esaïe 6.2 « Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes : deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds et deux pour voler. Ils se criaient l'un à l'autre : « Saint, saint, saint, le SEIGNEUR, le tout-puissant, sa gloire remplit toute la terre ! ». Chez Esaïe, les anges et la gloire font souvent bon ménage.
Luc nous parle de deux sujets qui lui tiennent à cœur pour son évangile : Jésus vient sauver TOUT le peuple et la GLOIRE de Dieu se vit dans un abaissement et non sur un trône. Pour Luc, Dieu est proche de son peuple.
« Quant à Marie, elle retenait tous ces événements en en cherchant le sens ». Ce verset vaut peut-être la peine de s’y arrêter un instant ; on aura à peu près le même verset en 2.51 quand les parents retrouveront leur fils resté en arrière dans le temple pour parler avec les scribes. Luc nous suggère qu’en dépit du message de l’ange Gabriel (l’annonciation), Marie est surprise de ce que viennent raconter les bergers. On le serait à moins que cela, c’est vrai. Mais Marie va passer sa vie de mère à être surprise par son fils qui de toute évidence, n’a pas un comportement très standard : son choix de partir chez Jean-Baptiste, sa violence contre l’institution juive, elle n’en a pas fini de ne pas comprendre. Or ce que nous dit Luc est que lorsqu’elle ne comprends pas, Marie se mure dans le silence de son cœur pour méditer ce qui vient de se passer, et c’est là un point très spécifique. Marie n’oublie pas, elle range ses incompréhensions dans sa mémoire et elle y réfléchit.
Luc nous présente donc Marie comme un exemple de foi qui médite. C’est amusant, car il semble que la piété populaire ait plutôt gardé d’elle l’image d’une femme qui accepte humblement et qui prie…