Nous avons sauté l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, et nous voilà devant un petit passage prémonitoire…enfin presque, puisque Luc écrit après la destruction du temple en 70. Une fois de plus, il est plus facile de prévoir après qu’avant…
Le procurateur romain Gessius Florus a foutu une belle pagaille en Palestine dans les années 64 à 66, en faisant à peu près tout pour mécontenter les juifs, du genre faire des sacrifices païens dans la synagogue de Césarée et piocher dans la cagnotte du temple. Du coup, Eléazar, le chef de la police du temple, prend la décision de suspendre le sacrifice quotidien fait pour l’empereur…la dispute dégénère, les zélotes (une bande armée nationaliste juive) coursent l’armée de Florus et prennent Jérusalem ainsi que de nombreux territoires. En 67, Vespasien intervient et récupère la Galilée et la Samarie, puis part à Rome se faire élire empereur en laissant son fils Titus à la tête de son armée. A Pâques de l’année 70, Titus assiège Jérusalem et construit une muraille de 7 km autour de Jérusalem. Alors que les chefs juifs se disputent entre eux, ils font brûler leurs réserves et la ville est en pleine famine. Le 20 juillet, les romains entrent dans le temple en brûlant les portiques et contre l’avis de Titus, un soldat romain y met le feu. Le 29 août il ne restera rien de la ville et du temple, les romains auront tout rasé sauf le mur occidental.
La description du siège sera reprise par Luc en 21, 20-24. On trouve dans le Psaume 137 à propos de Babylone : « heureux celui qui saisira tes nourrissons pour les broyer sur le roc ». L’expression de la visite de Dieu à la cité est classique dans l’ancien testament (Genèse, Exode, Jérémie, Psaumes…) pour parler soit d’un châtiment infligé par Dieu, soit d’une intervention de grâce. Luc qui connait bien ses classiques voit parfaitement bien la venue de Jésus comme une visite de Dieu, dont la cité ne se rend même pas compte, Jésus qui aime Jérusalem pleurera à l’avance sur son destin funeste.
Luc pourrait laisser entendre que la fin de Jérusalem serait liée au fait que le monde juif n’ait pas voulu reconnaître son Dieu en la personne de Jésus…c’est quand même un peu gonflé, il n’est pas certain que si tous les juifs se soient convertis au christianisme, la guerre judéo-romaine n’aurait pas eu lieu. Elle aurait eu un autre nom peut-être…