L’Eglise fête aujourd’hui la St. Joseph, une fête mise en place en 1621 par le pape Grégoire XV ; on aurait pu choisir Matthieu 1, 18-21, avec l’annonce à Joseph, mais j’ai plutôt choisi Luc. On se souvient que seuls Matthieu et Luc ont fait le choix d’écrire sur la jeunesse ou sur l’enfance de Jésus, ni Marc ni Jean ne s’y sont aventurés. C’est probablement pour répondre aux questions que se posaient les chrétiens de leur temps (années 80) que tous les deux ont repris un certain nombre de traditions anciennes et les ont rédigées de manière à les incorporer dans leurs évangiles. L’aspect historique est donc à prendre avec des pincettes…
Perdre son gamin sur la route, mettre trois jours pour le trouver et découvrir du jour au lendemain le caractère génial du gosse a bien sûr un côté invraisemblable, c’est pourquoi il ne faut pas trop s’attacher aux détails et se préoccuper plutôt de la raison pour laquelle Luc, qui est supposé être un auteur sérieux, ajoute ce passage à son texte.
N’oublions pas que nous sommes en pleine guerre entre juifs et chrétiens, et les jeunes communautés sont critiquées en permanence par les juifs qui tentent de leur démontrer que leur foi ne tient pas la route, et qu’ils n’ont donc rien à faire dans les synagogues. Un des aspects de la vie de Jésus qu’on leur jette en permanence au visage est le fait qu’il est absolument impossible que le messie de Dieu, roi du peuple juif, supposé venir juger les vivants et les morts sur un trône de gloire, et bien il est tout simplement impossible qu’il soit venu sur terre dans la famille d’un petit charpentier de Nazareth. Le rôle de Luc va être de fournir à ses chrétiens des argument pour répondre à ce genre d’attaque en légitimité.
Luc va donc mettre en place l’ascendance davidique de Joseph, la naissance à Bethléem dont l’existence est bien documentée dans l’Ancien Testament (le tombeau de Rachel, la naissance de Booz, la ville du Roi David), et puis il va faire ce tableau du fils plein de sagesse. En effet, des enfants remplis de sagesse précoce, il y en a plein la littérature grecque (Alexandre, Cyrus, Epicure…) comme la littérature juive (Salomon, Daniel, Samuel). D’ailleurs en parlant de Salomon, il faut bien se rendre compte qu’il n’y a jamais eu de synagogue dans l’enceinte du Temple, alors où les gens se rassemblaient-ils pour discuter les textes ? Eh bien justement, sous la porte de Salomon. Alors voilà, après ce passage, on comprend bien que peut-être Jésus est fils de charpentier, mais quand même, ça ne l’empêche pas d’avoir l’étoffe d’un héros.
L’autre aspect qui me paraît intéressant est le fait que chez Luc, dès l’adolescence Jésus prend conscience de sa nature divine ; c’est peut-être moins marqué que chez Jean (au début était le Verbe), mais c’est quand même très rapidement que Jésus prend conscience de son père divin. A cette nature divine correspond les 3 jours de recherche invoqués par Luc, les 3 jours qui précèdent les théophanies (l’apparition de Dieu) ; on pourrait presque simplifier en se disant que les parents ont amené un enfant au Temple et qu’ils en repartent avec un autre !
Alors Joseph dans tout cela ?
Luc va rétablir aussitôt la situation en refermant bien vite la fenêtre de la divinité de Jésus pour bien montrer que Joseph a repris la situation en main et que l’enfant Jésus lui obéit encore.
Quant à Marie, elle n’est pas dupe.