C’est un texte connu, commenté de très nombreuses fois et sujet à de multiples interprétations. En fait, on pense qu’il ne fait pas partie du texte original et qu’il aurait été ajouté au 3ème siècle seulement ; l’auteur pourrait être Luc.
Les pharisiens tendent un piège grossier à Jésus qui ne va pas se laisser berner. Il convient aussi de rapprocher ce passage du 13ème chapitre du livre de Daniel. Suzanne, la femme de Joachim, se baigne dans le jardin de son mari quand deux vieillards libidineux lui proposent d’avoir des relations, en la menaçant de l’accuser d’adultère avec un jeune homme si elle ne consent pas. Elle refuse et les vieux la dénoncent aux anciens et au peuple qui la condamnent à la lapidation immédiate. S’interpose un jeune homme du nom de Daniel qui exige un procès sérieux, et lance l’idée d’une contre-interrogation des vieux ; ceux-ci s’emmêlent les pinceaux quant à l’arbre sous lequel se serait passé le soi-disant adultère, ce qui sauve Suzanne.
Le cas de l’adultère de la femme mariée est largement décrit dans la Loi ; on le trouve en Exode 20, 14, Deutéronome 22.22, Lévitique 20.10. Il faut au minimum 2 témoins, et c’est le témoin du flagrant délit qui doit jeter la première pierre. Les deux personnes qui commettent l’adultère sont condamnables, et si cela s’est passé dans un champ, alors on soupçonne le viol et seul l’homme va être lapidé. S’il existe un point de la Loi qui ne soit pas discutable, c’est certainement celui-là. Pourquoi donc essayer d’engager Jésus sur cette voie ?
Tout simplement parce que cet épisode est fictif, il n’a probablement pas eu lieu. Il devient sous la plume de Jean un excellent motif d’aborder un sujet plus profond qui est celui de la justice et du pardon. Nous sommes à un moment de l’évangile où les juifs se posent de nombreuses questions sur Jésus, est-il pécheur ou « de Dieu » cet homme qui guérit même les jours de sabbat et qui se prend pour Dieu. N’oublions pas que mercredi dernier, Jésus nous a expliqué que son job était de juger avec son père (Jean 5, 17-30). Alors, juge ou pas ?
Jésus ne contredit pas la loi, ni ne la contourne. Si les scribes et les pharisiens jugent et sanctionnent, Jésus lui, pardonne. Pas tout-à-fait d’ailleurs, car la femme n’a pas imploré de pardon et Jésus ne la condamne pas. Mais il fait preuve de miséricorde et l’engage à ne plus pécher. Il reconnait la culpabilité de la femme et le droit des autorités à la juger. Jésus refuse de prendre la place du sanhédrin, ce n’est ni l’heure ni l’endroit ; la parole ne vient pas se substituer à la Loi.
La justice des hommes a des règles que Jésus lui-même ne va pas contourner : la justice ne se rend pas au temple mais à la porte de la ville, il faut des témoins, il faut les deux auteurs du couple et on doit écouter leur défense…Mais Jésus ne va même pas aborder ce sujet, il ne va faire aucun commentaire, il va refuser de se laisser entraîner. Que la société condamne, et que l’homme sache pardonner.
Jésus ne fait aucun discours moralisateur, il renvoie chacun à sa propre conscience, puis il fait silence. Cette femme que la société va peut-être casser, ce sera à l’homme de la conforter, d’avoir confiance en elle, de ne pas l’exclure…Jésus semble plus intéressé par le futur de cette femme que par son passé.
Jésus vient-il en juge ? C’est un peu difficile de savoir. D’un côté nous avons eu la définition des juges Père et Fils en Jn 5,30 « Moi, je ne puis rien faire de moi-même : je juge selon ce que j'entends et mon jugement est juste parce que je ne cherche pas ma propre volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. » Mais nous avons aussi le chapitre 3,17 « Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu ».
Jésus vient en juge, mais son critère de jugement sera la foi en Dieu Père et Fils ; chez jean, Jésus ne vient pas juger les actes de l’homme, discerner si les hommes ont fait le bien ou le mal ; il vient simplement annoncer la parole (il existe un Dieu d’amour auprès duquel il fait bon vivre) et constater d’une certaine façon qui croit en lui et qui ne croit pas.
à chacun sa justice.