Avant de regarder de plus près ce passage, il nous faut parler du déluge. Il existe plusieurs scènes de déluge dans les traditions du Proche Orient Ancien, dont deux sont particulièrement proches du texte de la Genèse :
- Un poème Atra Asis (le poème du super-sage) daté de -1650 dans lequel les humains sont créés pour servir les dieux ; l’humanité devenant plus nombreuse, les gens font du bruit et ce bruit dérange les dieux. Ceux-ci vont donc organiser un déluge qui va dissoudre la glaise des humains, à l’exception de Atra Asis qui est informé par le dieu Ea,et qui va avoir le temps de construire une arche pour s’y mettre à l’abri.
- Il existe aussi un chapitre de l’épopée de Gilgamesh (-1750), livre qui avait déjà servi d’influence pour la création en 6 jours, qui raconte pièce par pièce l’histoire du déluge telle qu’elle sera reprise dans la Genèse. Comme il y a plusieurs dieux dans la version originale, le texte va bien entendu connaître quelques modifications pour retomber sur YHWH.
Le déluge dans la Genèse va connaître deux rédactions étroitement imbriquées, l’une yahviste et l’autre sacerdotale, ce qui va bien entendu générer des doublons. Le 1er paragraphe de ce jour est du texte yahviste et le second est sacerdotal.
Le Seigneur regarde la vie de sa créature et se repend de l’avoir créée. On se souvient qu’à la fin du 6ème jour, le Seigneur regarde sa création et trouva cela TRÈS bon. Aujourd’hui, il ne pense plus qu’à effacer le 6ème jour de sa carte du monde. Ce ne sera pas la seule fois que Dieu va se repentir : il le fera aussi quand il voudra châtier son peuple en Exode 32.11, et aussi d’avoir choisi Saül comme roi en 1 Samuel 15.11. Cette capacité qu’a Dieu de se tromper et de reconnaître son erreur est typiquement influencée par la philosophie grecque. Dans les 3 cas ci-dessus, c’est le comportement de l’homme qui conduit à la rupture : il faut que Dieu s’adapte aux divagations de l’homme et cela prend souvent une tournure délicate pour l’humain. Mais chaque fois, Dieu va remettre en place un plan de retrouvailles après la rupture pour revenir à l’objectif initial.
Dans ce cas, la raison de l’incompréhension est la violence de l’homme et la solution s’appelle Noé, un nom qui se prête bien aux jeux de mots en hébreu, avec grâce et réconfort. Dans ce monde où l’homme est corrompu, Noé, lui, est juste et intègre, il marche avec le Seigneur (comme Hénok, on s’en souvient). C’est sur son agir éthique que Dieu l’a choisi : alors que la violence submerge la terre, c’est le dernier juste qui va sauver la création de Dieu.