Le texte peut surprendre, nous ne sommes pas habitués à un Dieu qui met des bâtons dans les roues de l’humanité. Ce qui peut surprendre aussi, c’est que dans le chapitre précédant, on nous a montré un peuple uni mais qui parlait plusieurs langues : 10.5 « C'est à partir d'eux que se fit la répartition des nations dans les îles. Chacun eut son pays suivant sa langue et sa nation selon son clan. » Alors, ensuite il parle tous la même langue ? De toute évidence, l’auteur du chapitre 11 n’est pas le même qu’au chapitre 10.
On est aussi un peu surpris par la place de ce passage : n’aurait-il pas été plus judicieux de le mettre au milieu du chapitre 10 lorsqu’on y parle de Nemrod ? Car c’est bien de la naissance de Babylone dont on nous parle maintenant.
La construction de tours immenses fait partie de la culture de l’époque : on pense aux tours-sanctuaires babyloniennes appelées Ziggourats, mais on peut aussi penser à l’arrogance des Assyriens qui vont connaître l’échec contre les Babyloniens, l’écroulement de l’Assyrie et la dispersion des peuples. On se souvient des géants de Gn 6 qui venaient épouser nos jeunes filles.
On peut voir dans une lecture simple du texte une version parallèle du déluge : Dieu remet son peuple à sa place, car Dieu en a peur, comme il a placé des chérubins pour défendre l’arbre de la vie, comme il a peur de la violence de l’homme. Dieu prend donc la décision de saper l’harmonie qui existe entre les hommes pour se protéger.
Il y a toutefois une deuxième lecture qui peut et qui mérite d’être faite. Nous devons être alertés par le mouvement vers l’Orient qui dans le Genèse, n’est pas bon signe puisque c’est vers l’Orient que sont allés Adam et Caïn quand ils furent chassés par Dieu. Le texte nous dit que le peuple a peur d’être dispersé, et qu’il a comme projet de construire cette ville et cette tour pour se faire un nom, cad pour s’agglomérer ; déjà qu’ils ont un même langage et les mêmes mots, ils veulent maintenant un même nom. Or cela n’est absolument pas le projet de Dieu qui a passé sa création à séparer et à nommer des entités distinctes. Pour Dieu, ce projet de créer une entité commune pour freiner son propre projet, voilà qui n’est pas acceptable.
Le projet de Dieu était de peupler la terre entière, il n’était pas de créer une citadelle pour y rassembler tout son peuple. L’unité, pas l’uniformité. Et quand on revient à la description de Nemrod, alors on comprend que le projet du peuple serait de se mettre volontairement dans une dictature, un système totalitaire sous le nom de Nemrod, chasseur devant Dieu.
Dieu va brouiller les langues pour garantir la diversité de l’humanité ; et c’est ainsi qu’il va remettre cette humanité sur le chemin qu’il avait décidé « Le Seigneur dispersa les hommes sur toute la surface de la terre ». Dieu ne désire pas l’abolition des différences, il lui préfère le respect de l’altérité. La peur du peuple de perdre son identité…un sujet encore à la mode.
Quand à Dieu qui doit descendre pour voir ce qui se passe en bas…