Il est peu probable que cet évènement se soit vraiment réalisé, ni au temps de Jésus ni après. Aucun autre texte historique ne parle de ce genre de prodige, il n’y avait pas de maître de cérémonie dans un mariage de petites gens dans la Galilée de l’an 30, on n’a jamais entendu parler du dicton sur l’usage du bon vin …Il existait en revanche au temps de Jésus la légende du dieu grec du vin, Dionysos, avec des fontaines de vin le jour de sa fête (5et 6 janvier) et 3 jarres de pierre remplies miraculeusement de vin à Ellis. L’idée de l’auteur aurait pu être de montrer que le Dieu des chrétiens est plus grand que Dionysos avec 6 jarres au lieu de 3. Ce passage, propre à Jean, paraît très simple alors qu’il est en fait assez compliqué ; il faut donc s’attacher aux détails.
Les noces sont souvent abordées dans l’Ancien Testament comme l’annonce de la réalisation de l’alliance (1 Rois et ses miracles alimentaires), il est aussi le signe du festin eschatologique avec Moïse, Elie et les autres à table au paradis alors que les méchants brûlent dans le ravin.
Le vin en abondance est aussi le signe de la fin des temps (Deutéronome 7, 12-15, Amos, Joël, Osée et Esaïe). On remarquera que le vin est le signe de l’amour dans le Cantique des cantiques.
Le décor est ainsi planté pour voir apparaître le messie eschatologique.
Il faut noter que la mère de Jésus (Jean ne prononce jamais son nom) est présente, et elle ne sera plus présente chez Jean qu’au pied de la croix ; c’est elle qui va lancer l’activité publique de son fils, et elle sera là pour la clôturer. On ne peut que signaler la complète confiance dont elle fait preuve concernant les capacités de son fils, ce qui est assez différent de la vierge synoptique qui gardent ces choses en son cœur.
Les fameuses jarres de pierre sont là pour permettre les ablutions des convives juifs (la noce va durer plusieurs jours) ; elles sont en pierre, comme les tables de la Loi, elles sont vides. La Loi en effet ne suffit pas à combler de bonheur les hommes et leur soif de plénitude. Les jarres vides ne servent à rien : elles représentent la vacuité de l’institution juive. La taille démesurée de ces jarres (entre 500 et 700 litres chacune) montre la surabondance du don de Dieu. Il est surprenant qu’elles ne soient que 6, 7 aurait été un meilleur nombre en tant que nombre entier signe de la perfection.
Comme souvent chez Jean, lorsqu’on demande quelque chose à Jésus, celui-ci commence par refuser ; on appelle ce mouvement de recul « la distance christologique. » C’est le Père et lui seul qui détermine ce que doit faire le fils et à quel moment, c’est comme s’il fallait un délai pour que le fils demande à son père la permission de faire quelque chose.
On a un problème pour expliquer le 3ème jour : est-ce le temps de marche entre Béthanie et Cana, est-ce le temps pour Dieu de se montrer à Moïse au Sinaï (Exode19), est-ce la simple chronologie de l’évangile qui insiste sur le temps qui passe ?
On remarquera qu’il n’y a aucune description directe du miracle, car pour Jean, il n’y a pas de miracle mais un signe, et il est impossible de décrire l’action de Dieu. Insister sur le fait n’aurait aucun intérêt, l’objectif de Jean n’est pas d’expliquer un tour de passe-passe. Le rôle du maître de cérémonie est en revanche indispensable pour confirmer la transformation en vin ; puisqu’il n’est pas au courant de qui a fait cela, il est un témoin parfaitement objectif de la force de l’action divine.
Alors peut-on savoir ce que celui que l’on appelle Jean a bien pu vouloir nous transmettre avec cette légende à laquelle il est bien difficile de croire ? Il nous le dit lui-même, c’est le commencement des signes qui vont manifester la gloire de Dieu. Qu’il y ait eu des noces à Cana en Galilée et que Jésus y ait accompagné sa mère est tout-à-fait plausible : que l’eau se soit changée en vin l’est un peu moins. Le signe, à la différence du miracle qui ne va guère plus loin que la constatation d’un fait extraordinaire, le signe montre, il pointe du doigt comme un panneau sur la route : celui-là est Dieu. L’évangile de Jean en effet supporte une christologie haute, c’est-à-dire que dès le début, Jésus est intrinsèquement lié à Dieu, il est son Verbe, il est partie de Dieu, il est Dieu. Cet homme va changer les habitudes (même celles du vin), cet homme va remédier à l’obsolescence du culte juif…si pour certains ce qui vient de se passer est un miracle, pour celui qui croit, c’est un signe qui montre la face de Dieu dans le visage de Jésus.
Bien sûr certains vont comprendre ce récit comme une annonce programmatique de la vie de Jésus, les 3 jours de la résurrection, la pierre du tombeau, le vin que Jésus va changer en sang, l’heure de la croix…il est vrai que l’évangile est un récit à-posteriori, qu’il est écrit alors que l’on sait déjà tout de la passion et de la résurrection, et cela apparaît dans le style littéraire de l’auteur. Mais il convient de revenir à la tradition juive pour comprendre ce qui est en cause. Pour les juifs en effet, le messie eschatologique qui va venir pour juger est en fait déjà présent parmi les hommes, et on le reconnaîtra par son aptitude à répéter ou à accomplir un certain nombre de promesses de l’Ancien Testament. Avec le vin et les noces, il n’y a plus de doute, c’est bien de ce messie dont il s’agit.
Jean nous dit que ce signe est efficace, car dès ce moment, les disciples ont cru ; pas de cris, pas de félicitations, pas d’embrassades footballistiques, pas de pub… Jésus fait cela avec une certaine discrétion. En tout cas aujourd’hui, car demain dans le Temple, il va faire plus de bruit !
Or, le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée et la mère de Jésus était là. Jésus lui aussi fut invité à la noce ainsi que ses disciples.
Comme le vin manquait, la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »
Mais Jésus lui répondit : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue. »
Sa mère dit aux serviteurs : « Quoi qu’il vous dise, faites-le. »
Il y avait là six jarres de pierre destinées aux purifications des Juifs ; elles contenaient chacune de deux à trois mesures.
Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau ces jarres » ; et ils les emplirent jusqu’au bord.
Jésus leur dit : « Maintenant puisez et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent, et il goûta l’eau devenue vin — il ne savait pas d’où il venait, à la différence des serviteurs qui avaient puisé l’eau —, aussi il s’adresse au marié et lui dit : « Tout le monde offre d’abord le bon vin et, lorsque les convives sont gris, le moins bon ; mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! »
Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
Commentaire
Il est peu probable que cet évènement se soit vraiment réalisé, ni au temps de Jésus ni après. Aucun autre texte historique ne parle de ce genre de prodige, il n’y avait pas de maître de cérémonie dans un mariage de petites gens dans la Galilée de l’an 30, on n’a jamais entendu parler du dicton sur l’usage du bon vin …Il existait en revanche au temps de Jésus la légende du dieu grec du vin, Dionysos, avec des fontaines de vin le jour de sa fête (5et 6 janvier) et 3 jarres de pierre remplies miraculeusement de vin à Ellis. L’idée de l’auteur aurait pu être de montrer que le Dieu des chrétiens est plus grand que Dionysos avec 6 jarres au lieu de 3. Ce passage, propre à Jean, paraît très simple alors qu’il est en fait assez compliqué ; il faut donc s’attacher aux détails.
Les noces sont souvent abordées dans l’Ancien Testament comme l’annonce de la réalisation de l’alliance (1 Rois et ses miracles alimentaires), il est aussi le signe du festin eschatologique avec Moïse, Elie et les autres à table au paradis alors que les méchants brûlent dans le ravin.
Le vin en abondance est aussi le signe de la fin des temps (Deutéronome 7, 12-15, Amos, Joël, Osée et Esaïe). On remarquera que le vin est le signe de l’amour dans le Cantique des cantiques.
Le décor est ainsi planté pour voir apparaître le messie eschatologique.
Il faut noter que la mère de Jésus (Jean ne prononce jamais son nom) est présente, et elle ne sera plus présente chez Jean qu’au pied de la croix ; c’est elle qui va lancer l’activité publique de son fils, et elle sera là pour la clôturer. On ne peut que signaler la complète confiance dont elle fait preuve concernant les capacités de son fils, ce qui est assez différent de la vierge synoptique qui gardent ces choses en son cœur.
Les fameuses jarres de pierre sont là pour permettre les ablutions des convives juifs (la noce va durer plusieurs jours) ; elles sont en pierre, comme les tables de la Loi, elles sont vides. La Loi en effet ne suffit pas à combler de bonheur les hommes et leur soif de plénitude. Les jarres vides ne servent à rien : elles représentent la vacuité de l’institution juive. La taille démesurée de ces jarres (entre 500 et 700 litres chacune) montre la surabondance du don de Dieu. Il est surprenant qu’elles ne soient que 6, 7 aurait été un meilleur nombre en tant que nombre entier signe de la perfection.
Comme souvent chez Jean, lorsqu’on demande quelque chose à Jésus, celui-ci commence par refuser ; on appelle ce mouvement de recul « la distance christologique. » C’est le Père et lui seul qui détermine ce que doit faire le fils et à quel moment, c’est comme s’il fallait un délai pour que le fils demande à son père la permission de faire quelque chose.
On a un problème pour expliquer le 3ème jour : est-ce le temps de marche entre Béthanie et Cana, est-ce le temps pour Dieu de se montrer à Moïse au Sinaï (Exode19), est-ce la simple chronologie de l’évangile qui insiste sur le temps qui passe ?
On remarquera qu’il n’y a aucune description directe du miracle, car pour Jean, il n’y a pas de miracle mais un signe, et il est impossible de décrire l’action de Dieu. Insister sur le fait n’aurait aucun intérêt, l’objectif de Jean n’est pas d’expliquer un tour de passe-passe. Le rôle du maître de cérémonie est en revanche indispensable pour confirmer la transformation en vin ; puisqu’il n’est pas au courant de qui a fait cela, il est un témoin parfaitement objectif de la force de l’action divine.
Alors peut-on savoir ce que celui que l’on appelle Jean a bien pu vouloir nous transmettre avec cette légende à laquelle il est bien difficile de croire ? Il nous le dit lui-même, c’est le commencement des signes qui vont manifester la gloire de Dieu. Qu’il y ait eu des noces à Cana en Galilée et que Jésus y ait accompagné sa mère est tout-à-fait plausible : que l’eau se soit changée en vin l’est un peu moins. Le signe, à la différence du miracle qui ne va guère plus loin que la constatation d’un fait extraordinaire, le signe montre, il pointe du doigt comme un panneau sur la route : celui-là est Dieu. L’évangile de Jean en effet supporte une christologie haute, c’est-à-dire que dès le début, Jésus est intrinsèquement lié à Dieu, il est son Verbe, il est partie de Dieu, il est Dieu. Cet homme va changer les habitudes (même celles du vin), cet homme va remédier à l’obsolescence du culte juif…si pour certains ce qui vient de se passer est un miracle, pour celui qui croit, c’est un signe qui montre la face de Dieu dans le visage de Jésus.
Bien sûr certains vont comprendre ce récit comme une annonce programmatique de la vie de Jésus, les 3 jours de la résurrection, la pierre du tombeau, le vin que Jésus va changer en sang, l’heure de la croix…il est vrai que l’évangile est un récit à-posteriori, qu’il est écrit alors que l’on sait déjà tout de la passion et de la résurrection, et cela apparaît dans le style littéraire de l’auteur. Mais il convient de revenir à la tradition juive pour comprendre ce qui est en cause. Pour les juifs en effet, le messie eschatologique qui va venir pour juger est en fait déjà présent parmi les hommes, et on le reconnaîtra par son aptitude à répéter ou à accomplir un certain nombre de promesses de l’Ancien Testament. Avec le vin et les noces, il n’y a plus de doute, c’est bien de ce messie dont il s’agit.
Jean nous dit que ce signe est efficace, car dès ce moment, les disciples ont cru ; pas de cris, pas de félicitations, pas d’embrassades footballistiques, pas de pub… Jésus fait cela avec une certaine discrétion. En tout cas aujourd’hui, car demain dans le Temple, il va faire plus de bruit !
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