Il est important de bien comprendre comment ont été rédigés les évangiles si on veut comprendre ce passage. Ceux qui ont fréquenté Jésus ont retenu et souvent mis par écrit un certain nombre de bribes, d’expressions ou d’idées que Jésus avaient prononcés au cours de ses discours, de ses conversations : ce qu’on appelle techniquement des logions. Marc, ainsi que les autres évangélistes, ont travaillé sur la base de ces logions comme un maçon se sert de briques pour construire un mur : ils ont fait une construction littéraire en agglomérant plusieurs logions qui n’avaient pas forcément une origine commune pour construire un texte qui serve à transmettre leur message. Il nous faut donc prendre un peu de recul et ne pas imaginer que cette conversation se soit vraiment déroulée comme cela.
Il faut en revanche remettre ce passage dans son contexte littéraire : Jésus vient d’annoncer pour la 3ème fois sa prochaine exécution et cette fois-ci, sa future résurrection. On peut donc faire le parallèle avec Marc 9,30-37 (qui est le plus grand d’entre nous ?) qui suivait la 2ème annonce. Certes, Marc a voulu mettre en valeur l’inconscience des disciples (leur inintelligence parfois), mais on peut aussi comprendre qu’en face à telles annonces de disparition prochaine, les disciples se posent des questions pratiques.
Jacques et Jean sont les deux fils du pêcheur Zébédée (celui qu’ils ont laissé tomber au bord du lac pour suivre Jésus qui passait par là), et sont après Pierre et André, les premiers disciples à suivre Jésus. Marc semble vouloir leur faire dire leur intérêt à participer à la gloire de Jésus, ce qui semble étonnant vu leur piètre compréhension des paroles de celui-ci ; ce que veut montrer Marc plutôt est la faiblesse humaine de ceux qui sont souvent à quémander des faveurs, sans avoir bien conscience de la demande qu’ils formulent. Le coup est si bas que Matthieu fera intervenir leur mère pour faire cette demande de faveur, en pensant que la bassesse d’une mère serait plus acceptable que celle de deux bons petits apôtres…
Jésus est-il en train d’annoncer leur mort en martyre ? Celle de Jacques a eu lieu en 41 ou en 44, elle est racontée dans les Actes, mais on ne sait rien sur les circonstances de la mort de Jean (l’apôtre. Fils de Zébédée). C’est donc assez discutable. Boire à la coupe est une expression connue de l’Ancien Testament, mais on ne sait pas bien à quelle passage Marc fait allusion. Quand il parle de la rançon, il pense probablement Isaïe 43, à moins que ce ne soit Isaïe 53…C’est un peu la limite du jeu de construction sur la base des logions, on n’a pas toujours une idée exacte de ce que Jésus a vraiment dit, ni du moment auquel il l’a dit.
Ce n’est pas la première fois que Marc met en valeur l’opposition qui devrait exister entre le mode de fonctionnement des états et celui de l’Eglise : dans cette dernière, c’est le Service aux autres qui l’emporte sur quelconque système alternatif (Mc 9).
Il y a une autre remarque qui pince un peu : il ne faudrait pas confondre le Père et le Fils. Dans tous les évangiles, Jésus insiste bien que ce n’est pas lui qui fait les miracles, que ce n’est pas lui qui guérit, mais que c’est son père qui fait et qui décide. Le risque de la foi chrétienne est d’oublier la foi en Dieu le Père pour ne penser et ne s’adresser qu’au fils. C’est ce que Marc nous rappelle aujourd’hui : c’est toujours le Père qui décide.
Il y a bien longtemps que les juifs cherchent à connaître leur Dieu. Et Jésus est intervenu dans l’histoire pour les alerter sur leurs erreurs dans la perception de Dieu, et sur les priorités du message divin. Mais Jésus n’a jamais voulu se substituer à Dieu. On peut prier Jésus certes, mais d’intercéder auprès de son père, pas plus ! Jean (l’évangéliste) explique bien que Jésus est un passage obligé pour atteindre le Père, mais un passage uniquement.