Faisons un petit détour par ce passage de Matthieu qui se trouve aussi en Marc et en Luc. Le message de Jésus s’adresse au groupe des disciples, et non à celui des apôtres, cad à un groupe de personnes qui suivent Jésus comme un maître sans bien comprendre les implications de cette suivance. Il y avait au cours des premiers siècles plusieurs philosophes, religieux ou non, itinérants ou pas, qui faisaient des discours tous les jours et qui étaient suivis par une assemblée d’habitués, de fans, comme certains suivent aujourd’hui des influenceurs sur les réseaux sociaux, ce qui ne demande pas beaucoup d’efforts. Jésus appelle les disciples à le suivre sur un chemin douloureux, un discours qu’entendent parfaitement les disciples de Matthieu en plein conflit avec les juifs.
L’expression « porter sa croix » est de Marc, elle peut avoir diverses interprétations. On peut penser à la croix de Jésus, ce dernier serait en train d’anticiper ou d’annoncer sa mort prochaine, ce qui n’est pas certain car on n’est absolument pas sûrs que Jésus ait effectivement annoncé sa mort sur la croix. Ce peut être une expression courante à l’époque pour indiquer la souffrance, car nous savons que les croix installées par le pouvoir romain au bord du chemin faisaient partie du paysage palestinien. Il y a une 3ème interprétation qui se trouve dans plusieurs textes de l’Ancien Testament, dont Ézéchiel 9.3 « La gloire du Dieu d'Israël s'éleva au-dessus du chérubin sur lequel elle se trouvait et se dirigea vers le seuil de la Maison ; alors il appela l'homme vêtu de lin et portant une écritoire à la ceinture. Le SEIGNEUR lui dit : « Passe au milieu de la ville, au milieu de Jérusalem ; fais une marque sur le front des hommes qui gémissent et se plaignent à cause de toutes les abominations qui se commettent au milieu d'elle. » Puis je l'entendis dire aux autres : « Passez dans la ville à sa suite et frappez ; que vos yeux soient sans compassion et vous sans pitié. »
Marc (ou Matthieu) serait donc en train d’établir la croix comme un signe de reconnaissance des chrétiens, ce qui est resté de nos jours.
Il ne faut pas comprendre les versets sur le prix de la vie comme une opposition entre la vie humaine et la vie éternelle, Jésus ne suggère pas un instant que l’on doive mourir pour avoir accès à la vie éternelle. Il s’agit plutôt, comme nous l’avons vu il y a peu de temps, du fameux discours juif des préséances : « au cas où » il faille choisir entre deux vies, ce qui arrive en cas de persécution, alors il faut savoir abandonner une vie terrestre par définition éphémère pour atteindre une vie en plénitude.
Concernant enfin le prochain retour du Fils de l’Homme, on se sait pas Matthieu fait allusion à la transfiguration (au chapitre suivant chez Matthieu), à la résurrection ou à une parousie possible. L’expression est très juive, le Messie comme un roi, et Matthieu ne la renie pas.