Le pain de vie

Nous retrouvons l’évangile de Saint Jean pour le fameux passage sur le pain de vie.

La scène est simple : ceux qui ont assisté à la multiplication du pain courent après Jésus avec l’espoir qu’ils vont encore pouvoir se rassasier gratis. De cette multiplication ils n’ont rien compris, ils n’ont rien vu, ils sont passés à côté du signe. Le signe était que si Jésus est capable de rassasier une foule avec trois quignons de pain, c’est qu’il a un pouvoir divin, c’est qu’il est le fils de Dieu. Mais ils n’ont retenu que le repas gratuit.

Le travail de Jean est de mettre en valeur la différence entre ce qui donne une satiété quotidienne et ce qui nourrit pour l’éternité. On a exactement la même chose avec l’eau du puits de la Samaritaine (celui qui boit de mon eau n’aura plus jamais soif), on a les outres qu’il faut changer tous les ans si on ne veut pas que le vin nouveau les fasse éclater, c’est le vin de Cana qui disparaît en un instant et le besoin de toujours remplir les jarres. Il y a d’un côté ce que le corps de l’homme réclame au quotidien, et qui peut se trouver par le travail quotidien (puiser, vendanger, pétrir le pain). Et puis, en miroir, il y a ce qui nourrit une vie éternelle, une vie en plénitude dans laquelle le besoin une fois comblé, ne revient pas à la charge ; et le carburant de cette vie-là ne s’acquiert pas par un travail, mais par la foi en Dieu, c’est un don de Dieu.

L’exemple de la manne est parlant, car c’était bien là-aussi un don de Dieu. Mais il n’y avait pas de caractère pérenne, éternel. Relisons Exode16.4 « Le SEIGNEUR dit à Moïse : « Du haut du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour la ration quotidienne, afin que je le mette à l'épreuve : marchera-t-il ou non selon ma loi ? Le sixième jour, quand ils prépareront ce qu'ils auront rapporté, ils en auront deux fois plus que la récolte de chaque jour. »  La manne, c’est tous les jours qu’il faut aller la ramasser.

L’idée qui se développe ici est très proche du dualisme grec : il y a un corps qui vit dans l’éphémère, dans la satiété provisoire à renouveler en permanence ; il y a un cœur, une âme qui vit en parallèle, dans un espace-temps sans fin. Et c’est Jésus lui-même qui permet à notre cœur de s’installer dans cette vie en plénitude. Et la solution ne se trouve pas dans le travail (dans les œuvres), mais seulement dans la foi qui nous permettra de recevoir le don de Dieu.