C’est le jour de l’Annonciation, donc on n’a pas le choix pour les textes. La version de Luc est connue, et elle est bien construite.
Pourquoi Matthieu et Luc se sont-ils lancés dans ces textes sur l’enfance de Jésus ? Tout simplement pour répondre à une demande de leurs communautés. L’histoire de la vie publique de Jésus, même avec ses miracles, sa passion et sa résurrection ne suffisait pas aux fidèles ; il fallait suggérer une biographie complète qui couvre toute la vie terrestre de Jésus. Déjà que ce messie avait peu d’attributs royaux visibles du public, il serait bon qu’on lui trouve quelques particularités qui puissent justifier le minimum de sensationnel qui convienne à un Dieu. Luc se trouve dans un monde judéo-hellénistique, les dieux faisaient des enfants entre eux, les légendes d’Egypte sont omniprésentes, le culte de Isis comporte son lot de naissances inexpliquées, et le culte du soleil Amon-Râ fait naître des enfants au moment des solstices (Le Baptiste au solstice d’été et Jésus au solstice d’hiver).
Il y avait Esaïe en 7.14 : « Aussi bien le Seigneur vous donnera-t-il lui-même un signe : Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. » Plusieurs exemples de l’Ancien Testament suggèrent un passage discret de l’amour physique à l’union mystique avec Dieu ; Isaac en est un exemple vibrant.
La structure de notre texte est celle d’une annonce divine à un particulier, et il en respecte toutes les étapes : l’apparition du messager, le trouble de la personne visitée, la délivrance du message, les arguments de la personne, et finalement la confirmation du message par un signe.
Il faut une maternité virginale qui aille de pair avec une filiation divine, sinon l’ange ne sert à rien. Nous aurons donc une conception miraculeuse de Marie par le Saint Esprit. Cela ne choquait personne à l’époque.
Luc nous présente Marie comme étant vierge, ce qu’elle va confirmer. Rien d’étonnant à cela, elle devait avoir aux environs de 12 ans, elle était promise à Joseph mais vivait encore avec ses parents dans une chasteté certaine.
Luc nous monte un parallèle amusant entre Zacharie, le père de Jean-Baptiste qui ne croit pas un mot de ce que raconte l’ange Gabriel (et qui sera puni de mutisme jusqu’à l’accouchement), et Marie qui elle, va humblement accepter.
C’est une bonne idée que Joseph soit issu de la lignée de David : on va donc pouvoir rejouer l’alliance de Dieu avec son humanité.
Si ce genre de texte pose un certain nombre de problèmes aujourd’hui (peut-être la naissance virginale est elle-même plus difficile à comprendre que la résurrection), il a permis à l’époque aux premières communautés chrétiennes d’exister, de se poser comme une alternative valable aux juifs et au culte des autres divinités. Un peu de mystère ne fait jamais de mal en termes de spiritualité.