Le texte est facile même s’il est quelque peu surnaturel. Il s’agit de montrer une apparition de type « angélique », à la façon dont les anges passent les portes fermées et les murailles pour se trouver instantanément auprès des humains vivants. Puis de transformer cette arrivée angélique en une preuve de résurrection corporelle, par le voir, le toucher, puis cette action de macher.
La culture de l’époque permet de croire aux revenants, à ce que nous appelons aujourd’hui les fantômes. La nécromancie (la divination par l’évocation des morts) était interdite par la tradition juive, non parce que les fantômes n’existaient pas mais au contraire, parce que leur apparition pouvait se montrer dangereuse. On comprend donc que les disciples présents se retrouvent dans un état de panique : non seulement ils voient un revenant, mais c’est en plus interdit !
Comment ont-ils reconnu Jésus ? Les pèlerins d’Emmaüs sont encore présents, l’ont-ils reconnus cette fois ? Est-ce le son de sa voix comme pour la Marie-Madeleine du jardinier ? Cette question de la corporalité du Jésus ressuscité est très importante au cours de 2ème siècle, la dualité corps/esprit du monde grec n’est pas forcément compatible avec la vision juive de l’unité de l’homme, il fallait donc que Luc développe la preuve par le corps. On remarquera que nous sommes assez loin de Jésus qui dit à Marie-Madeleine de ne pas le toucher…Le regard des plaies va permettre la reconnaissance, le toucher va éviter le malentendu.
À la même époque se posera le problème de la digestion des anges. On se souvient qu’ils ont mangé avec Abraham et Sara en Genèse 18, 6-8 ; on imaginait alors la consumation des aliments par un feu intérieur…
Autre sujet de discorde : Jésus a-t ’il partagé son repas avec les personnes présentes ou s’est-il seulement régalé d’un morceau de poisson séché face aux autres, juste pour lier l’action de la manducation à la vue et au toucher ? On imagine que certains ont bien entendu vu dans ce passage le partage de l‘eucharistie comme signe de reconnaissance…
Dans la 2ème partie du texte, Luc nous donne son kérygme, cad les éléments majeurs de la foi en Christ :
- La passion /résurrection du Christ annoncée dans les écritures (la Loi, les Prophètes et les Psaumes, cad toutes les écritures et pas seulement la Torah)
- La conversion en vue du pardon des péchés
- Les apôtres témoins
- L’esprit donné aux témoins pour accomplir cette tâche (v.49).
La reconnaissance de Jésus ressuscité transforme les disciples en témoins de la résurrection, et Luc embraye immédiatement sur la mission, on aura l’allusion au Saint-Esprit dans le verset suivant. La mission pour Luc est importante, surtout dans cette phase finale de son évangile qui introduit son second livre, celui des Actes des Apôtres.