On se souvient de la scène du paralysé descendu par le toit de la maison où Jésus enseignait en Marc 2.1-12, la phrase est la même « Lève-toi et marche ».
Le passage chez Jean est plus long et assez différent. Surtout le passage d’aujourd’hui n’est que l’introduction aux développements que nous allons suivre demain et après-demain, l’autorévélation de Jésus comme Fils du Père. Dans la partie qui nous concerne aujourd’hui, tout va par deux, on a l’impression d’y voir double : il y a deux sujets tout d’abord, un miracle suivi d’une controverse avec les juifs. Il y a deux endroits, la piscine et le Temple. Il y a deux hommes, le malade couché et le guéri debout. Il y a aussi deux franchissements de ligne, la marche avec le grabat et la guérison du malade, tout cela un jour de sabbat.
Y a-t-il vraiment miracle ou guérison ? L’homme est malade depuis toujours (38 ans à l’époque de Jésus c’est beaucoup, et c’est surtout le temps de la marche des juifs dans le Deutéronome pour atteindre les gorges de Zéred en Dt 2.14, autant dire une éternité), et il se redresse, puis il marche, il est même capable de porter son grabat. Mais Jésus ne l’a pas touché, il n’y a pas eu de manipulation clinique, l’homme n’a même pas touché l’eau.
Le point central, et un peu compliqué, il faut bien le dire, est cette formule que prononce Jésus en voyant l’homme guéri dans le Temple : « ne pèche plus ».
On a un peu de mal à comprendre car s’il y a bien quelqu’un qui se bat pour que les maladies et les infirmités ne soient pas considérées comme la conséquence d’un péché quelconque, soit du malade, soit de ses parents, c’est bien Jésus. Nous avons tous en tète la guérison du lépreux. Donc ce n’est pas cela la clef, d’ailleurs il n’y a pas dans le texte une telle suggestion, c’est notre analyse de lecteur du 21ème siècle qui nous fait associer la phrase à l’origine de la maladie.
On pourrait penser que Jésus considère le péché comme étant la caractéristique de l’homme, on se souvient que Jésus connaît l’homme dans sa profondeur. Après avoir soigné les articulations du brave homme, Jésus souhaite maintenant sauver son âme en l’incitant à s’éloigner du péché. Jésus considère que la pire des maladies est l’absence de Dieu chez l’homme : inciter à rencontrer Dieu dans le Temple ne paraît pas forcément saugrenu.
Une autre hypothèse serait que Jésus a bien compris que la vraie maladie de l’homme serait plutôt le découragement, la tristesse, la dépression dirait-on de nos jours. On a bien du mal à imaginer que cet homme ait pu rester longtemps au bord de la piscine sans que quelconque ne lui ait proposé de l’aide, et on sait bien que les personnes qui souffrent psychologiquement ont bien du mal à trouver le courage et l’énergie pour se sortir de la mauvaise passe dans laquelle ils se trouvent. Le Pape François fait souvent référence au fait que l’œuvre de Satan de nos jours se trouve plutôt dans le découragement, le renoncement à-priori devant l’effort, bref ce geste de baisser les bras.
Et puis il y a une troisième hypothèse. Ces piscines de Bethesda dont on a retrouvé des restes aujourd’hui sans bien savoir si ce sont celles de l’époque ou pas, elles se trouvaient à l’extérieur de l’enceinte de Jérusalem et on y lavait les brebis avant de les envoyer au Temple pour âtre sacrifiées, selon les prescriptions du livre du Lévitique. Plus ou moins à l’époque de Jésus, elles ont été transformées en bassin dédié au dieu Sérapis, une divinité gréco-égyptienne, et on aurait décidé que l’eau du bassin avait des propriétés médicinales (un bouillonnement régulier du à des gaz comme on en voit dans de nombreuses bassines naturelles ou dans des termes). Et donc cet homme paralysé espérait trouver dans ce bouillonnement une solution à ses souffrances, imaginaires ou pas. La phrase de Jésus dans le Temple prend un autre sens, le péché devenant alors le fait de se tromper de Dieu pour espérer retrouver la vie. Se tourner vers un dieu païen pour espérer une guérison constitue un péché pour Jésus.
En Marc, Jésus va démontrer que s’il peut guérir un paralysé, il peut aussi pardonner les péchés, ceci parce qu’il est effectivement doué du pouvoir divin. Chez Jean, Jésus est le Fils de Dieu, non seulement il guérit mais surtout, il donne la vie. C’est ce qu’il va nous expliquer demain.