Jésus est en Galilée. A Capharnaüm il a prêché dans la synagogue, il a fait sortir un démon d’un homme, il a guéri la belle-mère de Simon et a soigné beaucoup de monde le soir. Il s’en va dans d’autres villages de Galilée, pour enseigner la bonne parole.
Un lépreux s’approche de lui. Voilà un type gonflé, car les lépreux n’ont absolument pas le droit de s’approcher de quiconque, ils doivent au contraire se tenir à l’écart et si quelqu’un s’approche, ils doivent crier « lépreux, lépreux » pour que les autres s’écartent. Un lépreux à l’époque de Jésus est une personne bannie de la société, qui n’a plus aucune vie sociale ou religieuse, et c’est le prêtre qui seul peut décider de son état selon les recommandations du Lévitique aux chapitres 13 et 14, un véritable manuel de médecine pour identifier pustules et boutons. C’est le prêtre qui condamne à l’éloignement et c’est lui qui réinsère le malade guéri, ce qui n’est pas fréquent. C’est pourquoi ce lépreux demande à Jésus non pas de le guérir, mais de le purifier : plus que soigner son corps, il demande à Jésus de faire en sorte qu’il puisse être réintégré dans la société.
L’histoire est facile, elle ne mérite pas beaucoup d’éclaircissement. On peut s’étonner des sentiments qui animent Jésus : il est d’abord pris de compassion pour ensuite d’irriter, sans qu’on sache vraiment la raison de cette colère. Peut-être est-il agacé de constater que ce lépreux l’avait manipulé en sachant d’avance qu’il serait ému par sa demande de purification ? S’est-il emporté en comprenant aussitôt que le malade guéri serait fanfaron ? Vient-il de se rendre compte qu’en le touchant, Jésus venait de se rendre impur, ce qui allait lui poser des problèmes ? Car si Marc nous laisse entendre que c’est à cause de son succès que Jésus ne peut même plus entrer dans les villes, il se peut que ce soit aussi à cause de son toucher.
La lèpre est une maladie qui a toujours suscité des histoires incroyables. Il ne faudrait pas croire que le Lévitique est une œuvre de prophylaxie publique, car ses commandements ne concernaient que les juifs, les autres restant libres de faire ce qu’ils voulaient, et il ne faudrait pas penser non plus que dans la Galilée de Jésus il n’y avait que des juifs : il y avait aussi beaucoup de voyageurs et d’étrangers.
La lèpre a longtemps été considérée comme une punition divine : Myriam est atteinte de lèpre pour avoir critiqué Moïse (Nombres 12.10) et Guéhazy, le serviteur d’Elisée, est contaminé pour sa cupidité (2 Rois 5). Mais la lèpre a aussi été une révélation pour St. François d’Assise qui ne supportait pas la vue d’un lépreux et qui a fini par vivre au milieu d’eux, ainsi que la raison d’exister de Mère Teresa de Calcutta.
Quand Marc nous montre Jésus capable de guérir un homme de la lèpre, on comprend que c’est Dieu en fait qui guérit. Ce qui explique pourquoi Jésus refuse toute publicité et qu’il tient à garder une attitude humble et désintéressée.
Dans ce passage, Marc fait une allusion à la loi mosaïque ; pour les juifs ce serait Dieu qui aurait dicté le Lévitique à Moïse, mais il semble que pour Jésus, c’est plutôt l’œuvre des prêtres. On voit que dans ce passage, Jésus conseille à son malade guéri de suivre la loi, ce qu’il ne fera pas. « ils auront là un témoignage… », on sent déjà poindre la critique. Ce passage est en effet une transition vers les controverses du chapitre suivant.
La conclusion de ce passage est que même quand il suit la loi, Jésus est une source de désordre public, ce qui l’obligerait à rester dans des endroits retirés. Mais son succès est tel que la foule l’y rejoint quand même. Bref, un homme à succès.