Voici un morceau choisi de Matthieu qui a généré des milliers de lignes de commentaires, à commencer par ceux de Marx, de Nietzsche et d’autres opposants au Christ et aux chrétiens. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, il ne s’agit pas là de la clef de voûte de l’évangile de Matthieu, mais plus probablement d’un ajout tardif mis au début du fameux discours sur la montagne.
Dans la culture grecque classique, les dieux étaient bienheureux de ne pas connaître la mort. Dans la culture grecque moderne du temps de Jésus, on donnait souvent des exclamations en forme de béatitudes pour souligner les petits bonheurs humains (celui d’être père, d’être en bonne santé…) que procure l’harmonie de la vie en société. On se souvient du « heureux le sein qui t’as nourri » en Luc 11. Ces béatitudes de Jésus sont plus une réédition des béatitudes classiques de l’Ancien Testament telles qu’on les trouve en Esaïe 61 ou dans les Psaumes 34 ou 37. Elles constituent un message de consolation et d’espoir et il est certain que Matthieu pensait au Sinaï en mettant Jésus sur une montagne.
Ces béatitudes s’adressent à une population à bout de souffle qui n’attend plus rien de la société et qui donc se tourne vers Dieu dans une ultime espérance. C’est un message fort prononcé par Jésus (peut-être) qui promet un bonheur de fin de vie (eschatologique disent les pro), un bonheur dont on a l’impression que, contrairement à la pensée juive sur le jugement dernier, la réalisation est proche.
Si on prend dans le détails, les premiers versets font la description d’une population passive : les pauvres (détresse économique et sociale qui affecte leur condition spirituelle et économique), les doux (des affligés qui sont devenus doux par nécessité, des accablés), ceux qui pleurent (abattement) et ceux qui ont faim de justice (ce sont ceux qui n’en peuvent plus, qui sont aux limites de la résistance, qui attendent la justice divine qui délivre les opprimés).
Dans un deuxième passage, on voit venir ceux qui sont encore actifs au sein de cette population, les miséricordieux qui pratiquent l’entraide, les cœurs purs (les gens simples et droits dans leurs gestes), les pacifistes (on sait qu’à l’époque de Jésus, de nombreuses sectes projetaient des actions violentes contre les romains).
Le dernier passage enfin est un peu plus dirigé vers les disciples qui risquent la persécution pour raison religieuse, et pour ceux-là bien entendu, Matthieu va faire le lien avec les générations précédentes des prophètes et autres martyrs.
Le message de Matthieu en ce jour de Toussaint est de dire que le Christ est aux côtés de ceux qui souffrent. Ce qui ne veut absolument pas dire qu’il y a besoin d’être désespéré pour se trouver aux côtés de Dieu.
Un message très juif en fait.