Nous sommes au début d’une histoire qui va s’étendre sur les versets 37 à 54 et qui nous parle d’un repas qu’aurait pris Jésus chez un pharisien et qui ce serait mal, très mal passé. Un texte que l’on retrouve en commun avec plusieurs passages de Matthieu et que Luc a centralisés dans ce fameux repas. Luc va nous dépeindre un Jésus très agressif vis-à-vis des Pharisiens et des scribes. On sait bien que cet exercice des controverses est plutôt confié à la rédaction de Matthieu qui livre une guerre sans merci avec la structure juive de son époque. Luc qui s’adresse plutôt à des paiens n’a normalement pas besoin de critiquer autant les juifs, ce qui n’empêche qu’il va s’en donner à cœur joie dans ce passage.
On trouve certes de subtiles différences entre les deux auteurs : alors que Matthieu va insister très lourdement sur l’hypocrisie, on voit bien que Luc ne va pas utiliser ce terme, se limitant à une notion de méchanceté égoïste.
Alors pourquoi Luc en vient aux mains lui aussi ? D’une part, Luc ne peut pas ne pas transmettre ces éléments de controverses qui sont présents dans la source des Loggias (la source Q), tout comme dans l’ensemble des traditions orales véhiculées à son époque. D’autre part, il a aussi besoin de mettre en musique ces éléments de conflit pour montrer à son public païen les différences fondamentales qui séparent l’église de la synagogue, pour ceux qui hésiteraient encore. Et puis enfin, sur certains détails spécifiques, il a besoin de montrer la force morale de la foi chrétienne. Sur la pureté par exemple, l’Eglise veut imposer une notion de pureté éthique : c’est ce que fait l’homme, ce qu’il dit aussi, qui va le rendre pur ou impur, et nettoyer son impureté chez un chrétien va demander un important travail de pénitence ou un changement profond de comportement. C’est plus facile de faire passer ce genre d’exigence en montrant du doigt le fait que pour les juifs, un bon lavage de mains fera l’affaire.
Luc est aussi un écrivain, ne l’oublions pas. Un peu de vigueur verbale, un bon de comportement provocateur, voilà qui peut donner une bonne énergie à un texte !