L’art de la béatitude est présent dans l’Ancien Testament, en Jérémie 17.5 par exemple : « Ainsi parle le SEIGNEUR : Maudit, l'homme qui compte sur des mortels : sa force vive n'est que chair, son cœur se détourne du SEIGNEUR. Pareil à un arbuste dans la steppe, il ne voit pas venir le bonheur : il hante les champs de lave du désert, une terre salée, inhabitable. Béni, l'homme qui compte sur le SEIGNEUR : le SEIGNEUR devient son assurance. Pareil à un arbre planté au bord de l'eau qui pousse ses racines vers le ruisseau, il ne sent pas venir la chaleur, son feuillage est toujours vert ; une année de sécheresse ne l'inquiète pas, il ne cesse de fructifier. » Il est constitutif des livres de sagesse, mais il n’était pas réservé aux questions de religion : on trouvait des béatitudes en introduction de discours politiques par exemple.
Le discours des béatitudes de Luc se passe dans la plaine, comme celui de Moïse redescendu du mont Sinaï, et il fait le pendant au discours sur la montagne de Matthieu. Tous deux sont issus du document Q, la version de Matthieu étant plus sophistiquée que celle de Luc qui est resté proche du texte de base ; on pense que les sujets de la pauvreté, de la faim, et des pleurs, ainsi que de la persécution, ont été effectivement abordés par Jésus. Les autres ont été rapportés soit par des traditions orales, soit par cette fameuse source Q, soit par la créativité littéraire de Matthieu.
Si l’ennemi du bien dans les textes de l’Ancien Testament était principalement la luxure, il s’agit de l’argent le Nouveau Testament ; et Luc est particulièrement satisfait de voir la question de l’argent apparaître en 1ère place, car sa communauté est plutôt à l’aise et il lui faut donc insister sur le fait que l’argent n’est pas une clef de bonheur. Il convient de bien lire ce que Luc écrit : il ne souhaite aucunement aux riches de devenir pauvres, il les avertit du fait que leur richesse va rendre plus difficile pour eux l’atteinte du Royaume. « Malheureux » n’est pas « maudit ».
Luc apprécie ce genre littéraire de la béatitude. Ainsi Elizabeth à Marie en Lc 1,45 « Bienheureuse celle qui a cru », tout comme la femme qui crie à Jésus en Lc 11,27 « Bienheureux le sein qui t’a porté ». Jésus lui répondra « Bienheureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu ». En Lc 22,22 « Malheur à l’homme par qui il est livré ».
Ces béatitudes ne sont que la première partie du discours sur la montagne qui est regroupé dans la totalité du chapitre 6 et dans lequel on va trouver bien d’autres conseils et commandements. Il convient de les considérer comme partie d’une série d’enseignements parfois beaucoup plus explicites.