Nous sommes au cœur du conflit entre les chefs juifs et Matthieu. Il va y avoir une série de questions pièges sur le tribut à César, sur la résurrection de la veuve au 7 maris, le plus grand commandement et bientôt le fils de David. Ce sont des questions habituelles que discutent les juifs entre eux, mais ce sont aussi des questions que posent les chefs juifs à l’église de Matthieu pour décider ou pour justifier de la décision de se séparer d’eux. Ils cherchent clairement à tester les idées de l’église chrétienne en les confrontant à leurs propres réflexions.
L’idée globale transmise par les rabbins est que tous les commandements se valent, et que transgresser un seul revient à rompre l’alliance avec Dieu. On a trouvé de nombreux écrits juifs sur le sujet. Il faut dire que la Loi juive est devenue chargée : 613 commandements positifs, 365 interdictions et 248 autres recommandations. Il y a de quoi se perdre. Quand le Pharisien appelle Jésus « Maître », il lui parle comme à un Rabbi, un spécialiste de la Loi ; or le rôle de ceux-ci n’est pas d’enseigner la loi aux fidèles mais de les aider à l’appliquer en l’interprétant de façon compréhensible. On attend donc de Jésus non seulement qu’il se prononce sur la question, mais qu’en plus, il justifie sa réponse.
Le choix du « Schéma Israël » du Deutéronome 6.5 est facile, c’est effectivement le commandement que les juifs répètent le plus souvent dans leurs prières. Le choix de l’amour du prochain dans le Lévitique 19.18 est déjà plus original : on lui demande d’en choisir un et il en donne deux. Plus originale encore est la justification qu’il donne de ce choix : l’amour est au centre de toute la parole de Dieu. En disant cela, Jésus va justifier le fait de mettre de côté tous les commandements qui ne seraient pas directement liés à ceux de l’amour de Dieu ou du prochain ; et ça en fait beaucoup ! Il y a donc une volonté affichée de Jésus de s’en tenir aux textes principaux de la Loi (Deutéronome et Lévitique font partie du Pentateuque, de la Torah) et de radicaliser la Loi : moins de commandements peut-être, mais un engagement complet dans les commandements de l’amour. C’est ce qu’on verra tout au long des évangiles.
Ce qui a fait dire à Saint-Augustin : « Aime et fais ce qui te plaît ».
Enfin, plus ou moins quand même…