Il convient de reprendre le chapitre 6 dans l’ordre pour comprendre ce qui se passe. Il démarre avec la multiplication des pains, puis la marche sur l’eau. Les gens retrouvent Jésus à Capharnaüm en 6.22 et celui-ci leur dit qu’il faut qu’ils arrêtent de courir après lui pour avoir de quoi manger gratuitement, qu’ils commencent plutôt à se préoccuper de nourriture spirituelle (6.27 « Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle »). En 6.29 Jésus annonce que « l’œuvre de Dieu est de croire en celui qu’Il a envoyé ». Après avoir parlé de la manne de l’Exode, Jésus va annoncer en 6.35 « c’est moi qui suis le pain de vie » En 6.40 « que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle »
Et puis à partir du v.51, il y a un changement fort de perspective : on se met à parler de manger la chair et de boire le sang de Jésus comme d’une obligation pour avoir la vie éternelle. Il semble qu’avoir la foi ne suffit plus. Que se passe-t-il ?
En fait il semble que ce passage des versets 51 à 58 soit un ajout tardif au même titre que le chapitre 21, il faut que la communauté johannique s’intègre dans l’église de Pierre. Or cette église de Pierre est très liée à l’eucharistie comme élément fondamental du culte : on se souvient que le dernier repas dans l’évangile de Jean n’a pas le même rôle que la Cène des synoptiques quant à l’établissement de l’eucharistie, Jean parlera lui du lavement des pieds qui lui paraît plus important que l’établissement du culte. Alors que la pain de vie avait jusqu’alors une dimension métaphorique, on retombe sur terre avec un vrai repas (et une mastication de la chair selon le verbe grec utilisé). Ce mouvement est important pour bien montrer que la communauté a choisi de s’éloigner d’une dérive gnostique qui voudrait que le corps de Jésus ne soit qu’une image.
Au verset 58 on quitte cette parenthèse terrestre pour revenir à la notion du pain de vie telle qu’elle était présente auparavant.
Se nourrir de la parole, vivre du culte.