On touche ici la clef de voute de la foi chrétienne dans sa pratique de tous les jours : c’est l’amour du prochain. Même s’il serait plus judicieux de parler d’amitié de nos jours, avec notre vocabulaire et ce qu’il signifie pour nous.
Le seul texte qui parle de haine et d’ennemis est le Psaume 139, qu’il convient de lire avec précision : « Eternel, n’aurais-je pas de la haine pour ceux qui te haïssent ? ...je les hais d’une parfaite haine, ils sont pour moi des ennemis. » Il s’esclame : « Dieu ! si tu voulais massacrer l’infidèle » Mais manque de chance, Dieu ne le veut pas et c’est ce qui fait enrager l’homme qui ne rêve que de cela : « Vois donc si je prends le chemin périlleux, et conduis-moi sur le chemin de toujours ».
Il n’y aucun appel à la haine des ennemis dans les textes de la bible, Matthieu exagère. Il y a même le contraire en Lévitique 19 « n’aie aucune pensée de haine contre tes frères, ne te venge pas, ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple. C’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Certes on pourra objecter que ces bonnes paroles se limitent aux frères et que la famille semble se limiter à ceux qui fréquentent la synagogue. Mais quand même, ça n’empêche que Matthieu y va un peu fort.
Quoiqu’il en soit, on touche bien à la difficulté d’être chrétien tous les jours, à l’exigence de dépasser la loi des pharisiens, cad celle du Talion et de la réciprocité. Apporter le pardon et non la rancune, la douceur au lieu de la dureté, la paix et non les querelles, la réconciliation et non la division. Tout cela est assez facile à dire, et bien entendu beaucoup moins facile à faire, surtout pour des jeunes animés de passion.
Mais il n’a jamais été dit qu’être chrétien était un exercice facile, Jésus avait raison quand il parlait de prendre sa croix. Mais le texte est bien celui-là, et rien à faire pour y échapper.