Attention ! Passage compliqué, sensibilités à fleur de peau…de nombreuses bêtises à dire et d’autres à éviter.
Tout d’abord Marie n’a jamais dit qu’elle était vierge lorsque son ovule a été fécondé. Or on pourrait très bien imaginer que Marie, qui a été présente jusqu’au pied de la croix et qui s’est toujours rendu compte que son fils n’était pas un enfant comme les autres, aurait très bien pu donner cette information à un moment ou à un autre pour démontrer que même sa naissance a été…bizarre.
Le sujet est compliqué car il fait partie de ce qu’on appelle la Christologie, la science qui essaie de comprendre la dualité homme-Dieu de Jésus : à partir de quand est-il devenu Christ, savait-il dès le début de sa vie qu’il était fils de Dieu, etc., etc…nous sommes dans un sujet très technique dans lequel je ne souhaite pas m’engager. Luc et Matthieu qui ont décidé d’écrire sur la jeunesse de Jésus ont fait œuvre de création littéraire, et l’opinion générale de la communauté chrétienne de l’époque était que le Fils de Dieu ne pouvait absolument pas naître de façon banale, comme un quelconque humain. Il a donc fallu s’adapter, ils ont employé le terme « engendré, non pas créé » et ils ont écrit ce que tout le monde disait, que Marie était vierge.
Attention, ce n’est parce que Jésus était né d’une vierge qu’il a été reconnu comme divin. C’est au contraire parce qu’il était divin qu’il lui a fallu naître d’une vierge.
Ce qu’on apprend dans ce texte, c’est que Marie est enceinte avant d’avoir habité avec son mari, et que Joseph l’a appris, qu’il la soupçonne d’une quelconque infidélité, d’où sa décision de la révoquer secrètement (ce qui n’est pas facile puisqu’il s’agit d’un acte d’état civil, mais ce ne sera qu’une bizarrerie de plus). On peut donc d’ores et déjà éliminer l’hypothèse d’une erreur de jeunesse de la part de Joseph, car dans ces cas-là, on anticipe le mariage comme on fait encore parfois de nos jours. De plus au v.25, Matthieu insiste que Joseph ne va pas la connaître jusqu’à la naissance, donc il est fort peu probable qu’il ait eu l’occasion de la connaître auparavant.
Si c’est Marie qui l’a informé de sa grossesse, il y a fort à parier qu’elle lui aura parlé de la visite de l’ange, enfin si l’histoire contée par Luc est bien réelle. Il ne l’a donc pas crue ?
A moins qu’il l’ait appris d’une tierce personne, d’un ami qui lui voulait du bien…
Si dans l’antiquité grecque il était courant que certains dieux fécondent des femmes, il n’y en a pas d’exemples dans l’ancien testament. Dieu guérit leur stérilité, certes, mais de là à les féconder, jamais…Marie est donc un cas bien isolé.
Alors certes Matthieu va chercher une phrase d’Isaïe au chapitre 7, dans lequel le prophète parlera d’une jeune femme qui accouchera d’un garçon qui sera nommé Emmanuel, mais il ne dit absolument rien sur l’identité de cette jeune femme. Et bien sûr Matthieu dira à ses copains juifs : Voyez, c’était bien annoncé dans vos bouquins…
Comme vous le comprenez, le sujet est difficile. L’histoire est-elle trop belle ? C’est toujours un peu le problème de la création littéraire ; même bien ficelée, l’histoire montre des failles.
Au risque de déranger un certain nombre de mes auditeurs, je dirai juste que pour moi, cette histoire de virginité n’est pas très importante en fait, elle n’affecte en rien le message de la Bonne Nouvelle et de la résurrection, qui me paraissent nettement plus importants que les détails physiologiques de Marie.
Donc chacun pensera ce qu’il voudra, sans se fâcher avec les autres.