La fête de la Toussaint, la fête de tous les saints. L’Église honore la foule innombrable de ceux et celles qui ont été de vivants et lumineux témoins du Christ, connus et inconnus. Une fête car les chrétiens expriment leur joie de savoir qu’ils sont tous auprès de Dieu. Ce monument littéraire que sont les béatitudes prend place chez Matthieu à la suite de l’appel des premiers disciples et constitut le début du discours sur la montagne. Il y avait des béatitudes dans l’Ancien Testament, mais elles étaient plutôt présentées comme une promesse de bonheur liée à la libération d’Israël. On ne les trouve que chez Luc et Matthieu, et la recherche historique montre que ces paroles ont pu être effectivement prononcées par Jésus, probablement dans la version plus courte de Luc.
Ce texte, au demeurant sympathique, présente deux pièges en termes de compréhension : on pourrait penser qu’il faut cocher un certain nombre de cases pour être élu à la vie éternelle. On pourrait aussi penser que la consolation des malheurs connus dans ce monde-ci pourrait se tenir dans la vie éternelle. Deux incompréhensions qui ont fait dire à Marx que l’église avait inventé les béatitudes pour faire accepter aux croyants l’injustice sur terre sans se battre et à Nietzsche que les chrétiens voulaient souffrir pour offrir leurs larmes comme sacrifice à Dieu.
Il faut réaffirmer que dans la religion chrétienne, l’accès à la vie éternelle n’est pas conditionnée à nos souffrances, que c’est un don gratuit de Dieu, le prix ayant été payé par Jésus. Dieu nous demande de croire en lui et en sa parole, il n’exige aucune souffrance.
Ce n’est pas pour autant que l’Église chrétienne veut nier la souffrance, au contraire, elle réaffirme que celle-ci fait partie de la vie terrestre. Elle peut entraîner des conséquences positives ou négatives en fonction de l’histoire de chacun, mais elle n’a aucune vertu en soi. En revanche, Jésus nous rappelle qu’il est lui aussi passé par là, qu’il a lui-même vécu la souffrance de la condition humaine.
A ceux qui souffrent, Jésus dit : je vous comprend, je peux venir vous aider, je peux vous réconforter…mais ce n’est pas demain, ce n’est pas le jour de votre mort, c’est aujourd’hui ! Le terme « béatitude » en grec veut dire « debout », « en avant ». En vivant ces souffrances, vous vous approchez de Dieu. C’est en vivant ces souffrances que votre vie prend de la hauteur, de la grandeur, qu’elle vaut d’être vécue. Ce n’est pas une question de rétribution, c’est une question d’avoir la force de résister à la détresse, d’avoir la force de se relever.
Jésus est venu pour ceux qui souffrent, car Dieu s’intéresse à ceux qui souffrent, il est plein de compassion. Alors si vous souffrez, Dieu est fait pour vous, et si vous priez, alors vous allez le croiser.
Fêter tous les saints, c’est fêter ceux qui ont effectivement vécu la souffrance et qui ont rencontré Dieu.