Nous avons lu le passage équivalent de Marc 10,1-12, le 25 février dernier ; je vous avais alors expliqué que les juifs de l’époque avaient mis au point un système officiel pour changer d’épouse dès que souhaité, cad dès que « trouvant en elle quelque chose qui lui fait honte, qu’il cesse de la regarder avec faveur » (Deutéronome 24). Or Jésus n’est pas d’accord avec ce tour de passe-passe et leur rappelle l’obligation donnée en Genèse 2,24 de ne former qu’un seul être avec sa femme.
L’église catholique est sévère sur la question du divorce : elle considère qu’il s’agit d’un acte civil qu’elle ne reconnaît pas. Elle propose un idéal de mariage indissoluble et s’y tient. Vous êtes catholique et marié, tout va bien et vous pouvez être membre de l’église à part entière. Vous divorcez en civil, l’église ne veut rien savoir et continuera sa relation avec vous sans changement. Vous recommencez une nouvelle union sans vie sexuelle, tout continue pour le mieux. Si en revanche, vous décidez d’ avoir des relations sexuelles avec une nouvelle personne, alors rien ne va plus. Vous êtes en plein péché d’adultère et on vous demande de vous éloigner des sacrements de l’église…certes vous serez encore chrétien puisque baptisé, mais votre vie en église sera sérieusement compromise.
Puisque c’est un des rares sujets de société sur lequel Jésus ait officiellement pris parti, il est difficile à l’église de passer outre. Il y a donc un sérieux problème avec les divorcés-remariés (civilement cela va de soi), et l’église catholique peine à trouver une solution.
Ce n’est pourtant pas faute d’essayer ! Les papes en effet se sont rendu compte depuis longtemps qu’en suivant cette option rigoureuse, ils se privent d’un certain nombre de bons chrétiens ; ils se retrouvent de plus coincés entre les valeurs de fidélité et de miséricorde, et ils sont bien obligés en fait de tenir compte de la situation réelle de l’humanité. Et puis cette situation étrange met en valeur un certain nombre d’aberrations bien difficiles à justifier :
- On met en valeur l’importance des sacrements pour une vie chrétienne, mais on refuse ces sacrements à certains chrétiens
- On proclame l’accueil des souffrants, mais on refuse d’ouvrir les portes à des divorcés-remariés qui vivent pour beaucoup des situations de souffrance
- On reconnaît que la vie sexuelle est favorable à la stabilité du couple, mais on exige une abstinence sexuelle aux divorcés
- Un prêtre rendu au statut laïc peut se marier à l’église, mais pas un divorcé
- On ne fait aucune différence d’analyse et de traitement entre un divorce subi et un divorce voulu…
L’église a trouvé deux manières d’élargir un peu le passage. En facilitant les demandes de nullité de mariage au niveau du tribunal ecclésiastique (sont considérés nuls des mariages contractés sous la pression des familles, le refus caché de fécondité ou le mariage non consommé, des troubles psychiques ou physiques rendant impossible un vie de couple). En considérant un accès restreint et très encadré à l’eucharistie pour certains couples divorcés-remariés faisant preuve d’une extrême chrétienté de vie.
Il n’en reste pas moins qu’une personne divorcée en civil ne pourra se remarier à l’église si son premier mariage n’est pas annulé. Il existe un texte du pape François, une exhortation apostolique nommée « Amoris Laetitia », datée de mars 2016, qui essaie d’expliciter la position actuelle de l’église sur le sujet.
Mais quand certain trouvent que l’évangile date un peu, moi je peux vous dire que le verset 10 de ce passage a encore toute sa puissance aujourd’hui : « si telle est la condition de l’homme envers sa femme, il n’y a aucun intérêt à se marier ».
C’est malheureusement ce que pensent beaucoup de nos jeunes encore aujourd’hui. La religion chrétienne met-elle la barre trop haut ?