Evidemment on a tous entendu ce passage de nombreuses fois, ce qui est un risque pour notre sensibilité : on entend et on met de côté en trouvant tout cela bien exagéré. Revenons aux textes de base de la Loi juive.
En Exode 21,24, on parle de la situation d’hommes qui se disputent et qui heurtent une femme enceinte. Si le fœtus subit un quelconque séquelle, alors il conviendra de punir celui qui l’a frappée à mesure : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûleur pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. Le talion, « Talio » en latin veut dire « pareil ». Dans le Lévitique 24,20, c’est devenu le cas d’une infirmité entre compatriotes. Dans le Deutéronome 19,21, on ajoute : ne t’attendrie pas !
La question de la tunique au tribunal est liée à un problème de remboursement de dette. Si quelqu’un ne peut pas rembourser une dette, alors le prêteur peut porter le cas au tribunal qui va décider que le mauvais payeur devienne un esclave du premier. Personne ne peut enlever la tunique (Vêtement de dessous) d’une personne sauf lors de la vente d’un esclave. Concernant le manteau, quand celui-ci est donné en gage d’un emprunt, l’Exode 22,25 stipule que le prêteur doit absolument rendre le gage en fin de journée afin que l’emprunteur puisse dormir. Dieu ajoute : « j’ai de la compassion, moi ». Donc seul les Romains prennent le droit d’enlever le manteau à un condamné (comme dans le cas de la mise à mort de Jésus), car ils ne sont pas sujets à la loi juive.
Concernant la marche forcée, on parle des réquisitions qui étaient courantes à l’époque, soit dans un besoin militaire, soit dans un besoin administratif ou judiciaire (on se souvient d’un Simon de Cyrène qui aurait été réquisitionné pour porter la croix de Jésus).
Quant à la demande prêt, il y a une législation qui interdit à un prêteur de demander des intérêts à un frère, il ne peut le faire qu’à un étranger. On comprendra que sans possibilité de toucher des intérêts, certains juifs refusent de prêter.
L’objectif du passage est de montrer ce que doit être un comportement chrétien face à l’adversité des gens méchants, en dépassant la Loi. L’idée n’est pas de rester passif, mais de réagir avec le bien, d’entrer en dialogue. C’est pour cela que Jésus parle de faire 2.000 pas AVEC lui. Dans la cas de la gifle, il est fait référence bien entendu à la passion. Il s’agit du dépassement de la haine par le pardon, ce qui fera dire à Jésus cette fameuse phrase de Luc 23,24 « Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu’ils font. ». Transformer un acte d’agression en générosité, transformer l’agresseur en le mettant en face de sa responsabilité : pourquoi me gifles-tu ? Veux-tu l’autre joue ? Pourquoi ma tunique ? Ne veux-tu pas le manteau ?
Ma mère disait souvent « c’est le plus intelligent qui cède en premier ».