C’est un grand évangile que l’on peut scinder en deux parties : la transfiguration d’une part, et le message sur Elie d’autre part.
Ce récit de la transfiguration est une copie ou presque du livre de l’Exode, au chapitre 24, quand Moïse reçoit les tables de la Loi : nous y trouvons les 6 jours, la montagne du Sinaï (ici le mont Thabor peut-être), les 3 personnes qui accompagnent le héros (Moïse, Aaron, Nadav et Avihou), la nuée et la voix, ainsi que la crainte. Impossible de passer à côté du sens biblique du passage, Jésus est au niveau de Elie et de Moïse, les pères de la religion juive. La transformation des vêtements en blanc est un signe classique dans les apocalypses juives du fait que les élus de Dieu ressemblent aux anges. Chez Luc, même le visage de Jésus sera transformé.
Cet épisode se passe pendant la fête des Tentes qui rappelle la traversée du désert et la fuite d’Egypte : les juifs qui le pouvaient passaient une nuit ou plus 6 sous une tente, d’où l’idée de Pierre de dresser 3 tentes. On ne sait pas exactement ce que Jésus et les deux prophètes se disent : seul Luc dira que Jésus leur annonçait les évènements à venir à Jérusalem.
La venue du Fils de Dieu fait appel au Psaume 2 auquel Marc a ajouté « bien-aimé » pour insister sur la relation unique entre Jésus et Dieu. « Écoutez-le » se retrouve au Deutéronome, Dieu dit au peuple de suivre Moïse.
Dans la seconde partie, l’histoire d’Elie qui doit revenir est dans la prophétie de Malachie « voici que je vais vous envoyer Elie, avant que ne vienne le jour du Seigneur, jour grand et redoutable. » On ne sait pas trop la référence concernant le fait que le Fils de l’Homme doive souffrir, peut-être au passage d’Esaïe sur le Serviteur souffrant (Es 52,14). Pour Jésus, Elie est revenu en Jean-Baptiste, et les hommes ne l’ont pas reconnu puisqu’on se souvient de la manière dont on lui a coupé la tête à cause d’une gamine qui avait bien dansé.
Souvenons-nous de l’objectif de Marc : révéler la véritable identité de Jésus progressivement au cours de l’évangile. On voit bien que Pierre, quoiqu’ayant déclaré « tu es le Christ », ne sait pas trop à quoi s’en tenir puisqu’ils ont eu cette brève altercation hier (arrière Satan) qui laisse bien penser que Pierre n’a pas tout compris. Nous avons là un pas de plus dans le dévoilement de l’identité de Jésus, qui nous rappelle un peu le baptême de Jésus. D’ailleurs en Christologie, certains considèrent que c’est au cours de cette transfiguration que Jésus est devenu Christ (pour d’autres c’est au baptême, pour d’autres encore ce sera sur la croix, pour d’autres enfin ce sera à la résurrection). Jean ne raconte pas cette transfiguration car pour lui, Jésus est Dieu dès sa naissance, il n’y a rien à prouver.
Cette scène de la transfiguration a-t-elle eu lieu ? Probablement pas, comme tous ces scènes de l’évangile qui paraissent trop merveilleuses et dont le récit ressemble d’un peu près à certaines scènes de l’Ancien Testament. Ce n’est pas très grave au fond, puisque les assistants se limitaient aux trois disciples les plus proches. Essayons de réfléchir à la tâche de nos 4 évangélistes : comment raconter le phénomène Jésus 30 ou 40 ans plus tard ? On voit bien qu’un peu de merveilleux et de prophètes ne nuit pas. Et la robe blanche n’est quand même pas le fond du message de l’évangile, n’est-ce pas ?