Une lecture un peu simpliste pourrait nous montrer un Jésus assez sympathique qui ne réussit pas à tous les coups : en effet, il commence en mettant de la salive sur les yeux, ce qui permet à l’aveugle de voir clair, mais encore flou. Il faudra une seconde imposition des mains pour qu’il y voit vraiment bien. Beaucoup de détails, comme le fait que Jésus emmène le malade à part, ainsi que la technique adaptée qui utilise la salive (à laquelle on donnait à l’époque des vertus curatives importantes), nous rappellent étrangement la guérison du sourd-muet. Jean (9,18) reprendra cette guérison de l’aveugle avec de la salive et de la boue.
En fait ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Dans le passage précédant, Jésus s’emporte avec les disciples auxquels il reproche leur manque d’intelligence. « Vous avez des yeux, ne voyez-vous pas ? » On retrouve en Jérémie (5,21) et en Ezéquiel (12,2) cette notion du peuple qui ne voit pas, ni n’entend ; on qualifie souvent l’incompréhension d’aveuglement.
Donc ce qu’explique Marc, c’est que Jésus va montrer beaucoup de patience pour ouvrir les yeux et l’intelligence de ses disciples, quitte à s’y reprendre à plusieurs fois. Voir clair ne suffit pas, faut-il encore bien discerner. Et le traitement va fonctionner puisque dans le paragraphe qui suit, Pierre aura la vue nette pour dire « tu es le Christ ».
Et qu’on se rassure, bientôt à Jéricho, Jésus guérira l’aveugle Bartimée d’un coup d’un seul, sans même le toucher.